8/9 – Les minéraux de la transition énergétique sous tension - Sfen

8/9 – Les minéraux de la transition énergétique sous tension

Publié le 23 septembre 2021 - Mis à jour le 2 novembre 2021

Dans un rapport publié le 5 mai 20211, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pose la question de la place des minéraux dans les technologies énergétiques bas carbone, notam­ment du point de vue stratégique. L’accent est mis sur les tensions d’approvisionnement qui pourraient voir le jour, et porter préjudice au déploiement de la transition énergétique qui s’amorce partout dans le monde.

Les technologies requises pour une transition énergétique en accord avec les objectifs climatiques mon­diaux sont gourmandes en métaux, qu’il s’agisse des véhicules électriques, des énergies renouvelables ou de l’expansion des réseaux électriques. Les déployer à grande échelle engendre donc nécessairement une hausse considérable de la demande pour des minéraux aussi variés que le cuivre, le silicium ou le lithium (utilisés respectivement dans les réseaux électriques, les panneaux solaires pho­tovoltaïques et les batteries par exemple), ce qui aura un impact majeur sur de nombreuses industries minières. En raison de l’importance de ces minéraux, leur disponibilité, la sécurité de leur approvisionnement et la volatilité de leurs prix interrogent l’AIE, qui souligne les risques auxquels les gouvernements devront faire face en termes de sécurité énergétique. Ce rapport a pour objectif d’exposer le lien entre les technologies de la transition énergétique et les minéraux, d’évaluer et de comparer les besoins pour différentes technologies et diffé­rents scénarios d’ici à 2040, et d’identifier les conséquences environnementales, sociétales, énergétiques de telles contraintes.

Le cadre méthodologique du rapport

L’étude se base sur deux scénarios établis par l’AIE, et sur les prévisions correspondantes de déploiement technologique bas carbone2,3.

– Le scénario STEPS (Stated Policies Scenario) correspond à la mise en oeuvre des politiques annoncées par les gouvernements, qui ne permet pas d’atteindre les objectifs de déve­loppement durable que se sont fixés les pays signataires de l’Accord de Paris.

– Le scénario SDS (Sustainable Development Scenario) permet quant à lui d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris.

Ces deux trames sont décomposées en une dizaine d’alternatives selon les évolutions technologiques envisagées d’ici à 2040.

Les technologies couvertes par l’étude sont les technologies énergétiques majo­ritairement déployées dans le SDS : solaire (CSP et PV), éolien (offshore et onshore), électronucléaire, hydroélectrique, géother­mique, biomasse, mais également réseaux électriques, véhicules électriques, batteries et hydrogène.

Le rapport s’intéresse aux minéraux néces­saires à la construction des équipements et in­frastructures et non à ceux répondant aux be­soins opérationnels, de type combustible par exemple. L’uranium n’est donc pas étudié ici.

De même, quoiqu’il soit très présent dans de nombreuses technologies, l’acier n’est pas non plus étudié par le rapport car il ne présente pas de difficultés particulières en termes d’approvisionnement, et son utili­sation dans les technologies vertes n’est pas un déterminant majeur de la demande to­tale. L’aluminium, qui joue également un rôle crucial pour la transition énergétique, n’est pas étudié non plus ici car il fait déjà l’objet d’autres études via ETP2 et WEO3, à l’exception de son utilisation dans les réseaux électriques.

Ce sont donc le cuivre, le cobalt, le lithium, le nickel et certaines terres rares qui font l’objet d’une attention particulière dans le rapport de l’AIE.

État des lieux

La transition énergétique peut s’interpréter comme le transfert d’une dépendance aux ressources fossiles (charbon, pétrole, gaz) à une dépendance aux ressources minérales.

Cette augmentation de la consommation des métaux en question dans la production d’électricité est déjà visible : de 2010 à au­jourd’hui, la quantité moyenne de minéraux requise pour une unité de capacité de pro­duction d’électricité installée a augmenté de 50 % en raison de la croissance des énergies renouvelables.

On observe donc d’ores et déjà une transfor­mation progressive du paysage commercial et géopolitique associé à l’énergie. En voici quelques caractéristiques :

les métaux rattrapent progressivement le charbon dans les revenus issus de la produc­tion sur le marché minier et devraient le dé­passer d’ici à 2040, avec en tête (en proportion massique) le cuivre, le nickel, le graphite, et une augmentation fulgurante de la demande en lithium ;

la production des minéraux « de transition » est particulièrement concentrée géo- graphiquement, bien plus que pour le pétrole et le gaz, avec trois producteurs principaux qui se partagent plus de 75 % de l’extraction mondiale pour le lithium (Australie, Chili, Chine), le cobalt (République démocratique du Congo, Russie, Australie) et les terres rares (Chine, États-Unis, Birmanie). Pour ce qui est de la transformation des métaux, l’hégémonie de la Chine est plus frappante encore (près de 90 % du marché pour les terres rares). Concernant la sécurité d’approvisionne- ment, un système énergétique reposant sur des combustibles fossiles et un système basé sur des énergies « propres » présentent des différences notables.

Si une crise d’approvisionnement de pétrole perturbe immédiatement et très largement tous les usagers de véhicules thermiques (cela a été le cas dans les années 1970), seule la fabrication de nouveaux équipements est mise à mal dans le cas des minéraux, et les utilisateurs de technologies déjà construites n’en subissent pas directement de conséquences ; ainsi, le seul risque est que la transition vers des technologies vertes soit plus lente et plus coûteuse (du fait d’un marché tendu ou de la rareté des ressources).

Le marché du pétrole est un grand et unique marché, tandis que les minéraux en jeu pour la transition énergétique sont multiples, avec pour chacun une dynamique d’approvisionnement particulière selon leur origine, ce qui entraîne des conséquences distinctes. Il existe des perspectives importantes de recyclage des métaux utilisés dans les technologies de la transition énergétique, notamment en prévision de l’arrivée dès 2040 d’un grand nombre de batteries usagées, celles qui sont fabriquées aujourd’hui.

Le recyclage contribuera à renforcer la sécurité énergétique, même s’il ne pourra pas se substituer à un approvisionnement en matières premières, qui, compte tenu de la croissance rapide des besoins, resterait nécessaire même avec un taux de recyclage en fin de vie des métaux de 100 %. Ce taux est par ailleurs utopique, compte tenu des contraintes techniques et économiques du recyclage : il peut être difficile d’extraire les matériaux d’intérêt des équipements où ils sont utilisés en premier lieu, et les procédés peuvent être coûteux.

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Par Marion Wales, stagiaire à la Sfen et étudiante à l’École polytechnique

Photo © Orano / Éric Larrayadieu – Légende I Dans la nature, l’uranium est relativement répandu dans l’écorce terrestre (3 g par tonne en moyenne) mais cette teneur peut varier en fonction des gisements, de 220 g par tonne de minerai (Mongolie) à 200 kg par tonne (Canadat du minerai de fer et de cuivre.)