8/11 – Le financement du nucléaire, un enjeu majeur pour le coût de nos systèmes électriques

Les conditions de financement du futur programme EPR 2 sont l’un des sujets principaux de la préparation du renouvellement du parc nucléaire français. Exceptionnels par leur coût et leur durée, ces chantiers réclament une intervention publique forte pour maîtriser le coût du capital.
Une réflexion sur le financement du nouveau nucléaire est cruciale afin de garantir aux consommateurs, particuliers et professionnels, l’électricité la plus compétitive possible. Un réacteur nucléaire présente, dans ses coûts de production, une part de coûts variables assez faible correspondant au combustible (de 10 à 20 %) et une part élevée de coûts fixes. Ces coûts fixes correspondent à l’investissement initial dans la construction de l’installation et en second lieu à l’exploitation-maintenance.
Le financement de nouveaux réacteurs nucléaires est spécifique à deux titres. D’abord, un réacteur nécessite un investissement unitaire substantiel, de l’ordre de 8,5 milliards d’euros par unité. Le gouvernement, sur la base des travaux d’EDF, a établi à 51,7 milliards d’euros le coût de construction de trois paires d’EPR 2, comme commandé par le président de la République. Ensuite, la phase de construction, qui concentre les besoins en financement, est relativement longue, entre dix et quinze ans. Au cours de cette période, l’investisseur est donc conduit à financer la construction et à payer des frais financiers (intérêts intercalaires) sans percevoir de revenu par ailleurs.
Pour ces raisons, l’investissement dans une nouvelle unité nucléaire est soumis à plusieurs sources de risque : le risque de marché lié à un prix de vente du kWh insuffisant pour récupérer les coûts échus lors des phases en amont de l’exploitation ; le risque politique pouvant retarder ou remettre en cause un chantier ; le risque technique dont les conséquences sur les délais de construction et donc le coût de production sont importants. En conséquence, sans soutien de la part de l’État, la rémunération du capital exigée est particulièrement élevée. Elle est par exemple de l’ordre de 10 % sur le projet nucléaire Hinkley Point C en Angleterre, à comparer à des taux de l’ordre de 3 à 6 % pour les projets renouvelables moins risqués, notamment grâce aux mécanismes de soutien (comme les obligations d’achat) et la priorité de ces énergies sur les réseaux1.
Dans les conditions « standards », la contribution du coût du capital représente environ deux tiers du coût de production de l’électricité aux bornes de la centrale, bien au-delà du coût de construction. Il est composé à la fois des intérêts intercalaires durant la phase de construction et de la rémunération du capital (les investisseurs) après la mise en service de l’installation. Un passage de 6 à 9 % du coût moyen pondéré du capital augmente le coût de production de près de 50 % dans un scénario de référence avec un coût de production de 45 €/MWh.
Perspectives passée et actuelle du financement du nucléaire
L’analyse historique des conditions du financement du nucléaire existant en France par EDF, alors entreprise publique, démontre que la maîtrise de ce poste de coût est possible. La construction des 58 réacteurs en France à partir des années 1970 s’est faite en deux temps. Dans un premier temps, par une prise de participation de l’État au capital d’EDF et, pour la plus grande partie, sur fonds propre de l’exploitant. Dans un deuxième temps (1980), la très bonne notation financière d’EDF et son statut d’entreprise publique lui permettent d’émettre de la dette sur les marchés financiers à des taux significativement bas pour un montant de l’ordre de 40 milliards d’euros.
À partir de 1995, commence une période d’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz au niveau européen. On assiste à une remise en cause des monopoles publics et à la recherche d’une meilleure efficacité à court terme via les mécanismes du marché. En revanche, les marchés n’offrent pas de signal-prix adapté à l’adéquation de l’offre et de la demande à long terme. Dit autrement : les prix ne permettent pas de garantir la rentabilité de l’investissement présent et futur. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime ainsi qu’en 2018, plus de 95 % des investissements dans le système électrique (réseaux et moyens de production confondus) sont en pratique soutenus par des mécanismes régulatoires ou des contrats d’achat de long terme hors marché.
1. Les énergies renouvelables sont toujours appelées en premier sur les réseaux électriques, avant le nucléaire et les énergies fossiles.
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