6. Vers l’augmentation de la puissance du parc nucléaire

Article publié dans la Revue Générale Nucléaire ÉTÉ 2023 #2
Les travaux visant à exploiter à long terme les réacteurs du parc nucléaire sont aussi l’occasion de s’interroger sur leur augmentation de puissance. Pour cela, il existe deux possibilités : remplacer les équipements de la turbine ou accroître la puissance de la chaudière.
Alors que la France et EDF visent à prolonger l’exploitation des réacteurs nucléaires du parc, se pose également la question de l’augmentation de la puissance de ces outils mis en service il y a 30 ou 40 ans. Pour y parvenir, il existe plusieurs solutions techniques. La première, la plus « simple », consiste à augmenter la capacité de la turbine en utilisant des équipements plus modernes. Déjà déployée sur neuf réacteurs de 900 MW, cette opération ne nécessite pas de dialogue spécifique avec l’Autorité de sûreté. La seconde solution vise à augmenter la puissance thermique de la chaudière pour, in fine, délivrer plus de puissance au niveau de la turbine et de l’alternateur. Cette opération plus complexe demande alors de réinstruire une partie des critères de sûreté des installations.
Accroître la puissance de la turbine
Une des solutions techniques éprouvées pour augmenter la puissance d’un réacteur consiste à modifier la puissance de la turbine, sans toucher aux performances de la partie nucléaire. C’est une opération purement mécanique, passant par le remplacement de la quasi-totalité de l’arbre du groupe turboalternateur de l’ensemble de la ligne par des composants optimisés. « Cette opération a fait gagner, sur le premier palier sur lequel on l’a menée (les CPI 900 MW), à peu près 35 mégawatts par ligne d’arbre », explique Olivier Coadebez, directeur maintenance DPN. Ce type de rétrofit est maîtrisé, puisqu’il a d’ores et déjà été déployé sur 9 des 18 réacteurs du palier CP1. L’opération s’est déroulée entre 1999 et 2016. « Nous nous étions posé la question de poursuivre ces mises à niveau, mais la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2015 nous interdisait d’augmenter notre puissance de manière physique, la limitant à 63,2 GW. Nous avons donc renoncé à poursuivre », rappelle Régis Clément, directeur adjoint Division production nucléaire chez EDF.
Le remplacement des générateurs de vapeur : restaurer la puissance nominale
Les Générateurs de vapeur (GV) sont des équipements qui sont remplacés sur la quasi-totalité des réacteurs 900 MW et dont le remplacement a démarré sur le palier 1 300 MW. Quand on remplace un GV, il ne s’agit pas d’une augmentation de puissance. Il s’agit d’éliminer un équipement usé et de restaurer le rendement. En effet, un GV est équipé de 7 000 tubes. Et lorsque certains d’entre eux vieillissent, ils doivent être bouchés par l’opérateur, ce qui dégrade le rendement du GV. De plus, il y a des phénomènes d’encrassement, pour lesquels il existe des parades momentanées. Mais au bout d’un certain temps il devient nécessaire de changer l’équipement. Cette opération ne permet pas de « surperformer » thermiquement, le remplacement de GV ne pouvant donc être considéré comme une augmentation de puissance. EDF parle d’opération « patrimoniale ». Le remplacement des GV de Cruas 4 en 2014 après 30 ans d’exploitation a permis de restaurer environ 45 MWe, soit 5 % de puissance du réacteur. Au-delà de cet enjeu de performance, cette opération porte aussi un enjeu de sûreté.
Aujourd’hui, alors que la France s’engage dans le déploiement de nouvelles capacités nucléaires, cette solution est toujours valable. D’autant plus que EDF et General Electric (ex-Alstom) savent la mettre en oeuvre. « On l’a déjà fait, on sait le faire, on connaît par coeur le phasage et la durée du chantier. C’est essentiellement une question de compétences et d’organisation », explique Régis Clément. Pour autant, ce type de chantier n’est pas une opération de maintenance courante, mais de maintenance exceptionnelle. Elle demande une trentaine de jours de travaux pour une ligne d’un réacteur. L’opération est donc assez facile à placer lors d’une visite partielle, assure EDF. Au demeurant, les interventions ne concernant pas le coeur du réacteur, elles ne nécessitent pas d’autorisations auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ni ne posent de contrainte vis-à-vis du Décret d’autorisation de création (DAC).
EDF estime que la modification des neuf tranches CP1 et de la tranche CP0 de Bugey permettrait de récupérer une puissance équivalente à 450 MW, soit un demi-réacteur nucléaire « en plus ». Toutefois, « c’est un travail qui demandera beaucoup de temps, sachant qu’il faut fabriquer les pièces et placer les chantiers sur des arrêts de tranche compatibles », explique encore Olivier Coadebez. En effet, de telles opérations nécessitent de fabriquer des rotors de turbines et des ailettes qui viendront remplacer intégralement les anciens.
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