6/9 – Les différentes vies d’une mine d’uranium - Sfen

6/9 – Les différentes vies d’une mine d’uranium

Publié le 23 septembre 2021 - Mis à jour le 2 novembre 2021
  • Matières premières
  • Orano
  • Uranium
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La « vie » d’une mine d’uranium est généralement très longue, de l’ordre de plusieurs dizaines d’années. Elle comprend les activités d’exploration, d’extraction, de traitement du minerai ainsi que son réaménagement et sa surveillance post-exploitation. Un exemple avec le groupe français Orano, qui fait partie des premiers producteurs mondiaux d’uranium1.

Énergie nucléaire : au commencement, l’exploration minière

Le processus d’exploration nécessite à lui seul en moyenne une dizaine d’années, depuis la découverte des premiers indices d’uranium jusqu’à la confirmation d’une ressource ex­ploitable. Par ailleurs, afin d’identifier de nouvelles ressources et donc d’augmenter la durée de vie d’une mine, l’exploration du site minier se poursuit parallèlement à son exploitation.

Toute activité minière commence donc par une phase d’exploration avec la mise en oeuvre de techniques de prospection spé­cifiques visant à identifier de nouveaux gisements. Dans les années 1960, les outils et méthodes étaient fiables mais plus rudi­mentaires. À bord d’un avion, un observa­teur expérimenté orientait le pilote en temps réel, en fonction des observations géophy­siques mesurées au scintillomètre (mesure du rayonnement) pour localiser de possibles gisements. Aujourd’hui, la prospection aé­rienne est informatisée, les analyses géophysiques enregistrées puis étudiées au sol. Les « anomalies » aériennes détectées font l’ob­jet de méthodes d’investigations réalisées à plus petite échelle tels que les sondages géo­physiques au sol. Afin de préparer les pro­grammes de recherche et d’interpréter les anomalies détectées, la réalisation d’une car­tographie géologique est indispensable. Des sondages sont réalisés pour examiner le sous-sol. Les roches traversées sont récupérées sous forme de cylindres appelés « carottes » ou de débris rocheux appelés « cuttings ». Ces sondages permettent de réaliser des mesures géophysiques de diagraphie : une sonde appe­lée scintillomètre est descendue dans le trou, pour mesurer les rayonnements et localiser le minerai. Les géologues reportent régulièrement les informations acquises sur des plans et des coupes, afin de réaliser un modèle géologique de la minéralisation. Il s’agit d’améliorer la connaissance du gisement et de caractériser son minerai. C’est au cours de cette phase que peut être mis en place le pilote industriel qui permettra de déterminer les techniques d’extraction et de traitement du minerai les plus appropriées. C’est aussi le moment où il est important de vérifier la viabilité économique du projet minier en répondant à plusieurs questions : l’exploitation sera-t-elle rentable, compte tenu des prix de vente attendus de l’uranium ? Quels sont les impacts du projet sur l’environnement, sur la vie des populations locales pendant et après l’exploitation ? Quel réaménagement faudra-t-il prévoir ? Sur le plan géopolitique, une future exploitation sera-t-elle possible ? En tout état de cause, le développement d’un projet minier s’effectue en étroite collaboration avec les populations et les autorités locales. L’objectif est d’aboutir à la meilleure solution sur les plans technique, économique et environnemental.

Les trois types d’extraction du minerai d’uranium

La faisabilité technique et économique prouvée, le minerai d’uranium peut être exploité selon les caractéristiques du gisement (profondeur, teneur en uranium) en mine à ciel ouvert, en mine souterraine ou par récupération in situ (ISR).

Une mine à ciel ouvert est une fosse composée de gradins et de pistes. La roche est exploitée par des engins de terrassement (pelles hydrauliques, chargeuses, camions, etc.). L’abattage de la roche peut nécessiter des tirs d’explosifs. Le minerai est alors chargé dans des engins de roulage pouvant contenir plusieurs dizaines de tonnes. Chez Orano, c’est cette méthode d’extraction qui a été retenue pour extraire l’uranium sur le site minier de Somaïr au Niger à 60 mètres de profondeur en moyenne, et prévue sur celui d’Imouraren, toujours au Niger, un site mis sous cocon mais prévu pour être exploité jusqu’à 150 mètres de profondeur.

En mine souterraine, plusieurs procédés d’exploitation sont mis en oeuvre. Pendant près de 50 ans, c’est le site de Cominak2 au Niger et exploité successivement par le CEA, Cogema, Areva et Orano, qui a été la mine souterraine d’uranium la plus grande au monde. D’une profondeur de 250 mètres, la mine comprend plus de 250 kilomètres de galeries ainsi que deux rampes d’accès de 1 300 mètres de long. Le gisement a été exploité principalement par la méthode dite de « chambres et piliers ». Le principe d’abattage du minerai se fait par tirs de mines, en avançant sur plusieurs fronts et en formant des chambres vides séparées par des piliers. Les chambres sont ensuite remblayées et les piliers abattus partiellement afin de récupérer le maximum de minerai. Ce dernier est remonté à la surface par des bandes transporteuses. Une autre méthode, peu utilisée dans le monde et développée par Orano pour le gisement de Cigar Lake au Canada, répond au nom de jet boring. Situé à 450 mètres sous la surface, dans des roches peu stables et gorgées d’eau, le site a nécessité la mise au point de cette technologie de renforcement des terrains par congélation et abattage au jet d’eau à haute pression. Cette méthode est adaptée aux gisements disposant d’une teneur en uranium très forte3, et dans lesquels le personnel ne peut manipuler le minerai qu’à distance.

« Pendant 40 ans, c’est le site de Cominak au Niger (…) qui a été la mine souterraine d’uranium la plus grande au monde. D’une profondeur de 250 mètres, la mine comprend plus de 250 kilomètres de galeries ainsi que deux rampes d’accès de 1 300 mètres de long »

Quant à la méthode de récupération in situ (ISR), elle est généralement appliquée à des gisements de faible teneur en uranium et aux caractéristiques géologiques spécifiques. On y trouve par exemple des couches sableuses perméables porteuses de minéralisation, confi nées par des couches d’argiles imperméables. C’est le cas au Kazakhstan, où le site de Muyunkum est opéré par Orano, mais l’ISR est aussi une pratique très répandue (48 % de l’extraction de l’uranium dans le monde4). Pour accéder au minerai, des forages sont réalisés. Une solution de lixiviation (de l’acide sulfurique dilué) est injectée par moyen de forages dans le gisement où on la laisse circuler pour dissoudre l’uranium. Le jus contenant l’uranium est ensuite aspiré et convoyé jusqu’à l’usine de traitement où l’uranium est extrait sur une résine. Le métal est ensuite dépouillé de la résine, purifié, concentré et emballé comme dans une usine de traitement conventionnel. Cette méthode présente plusieurs avantages, à commencer par le fait qu’elle entraîne peu de perturbation de la surface et ne génère pas de résidus ou de stériles miniers (voir encadré) et l’investissement est plus faible qu’une exploitation minière.

Le traitement du minerai au yellow cake

Une fois extrait de la mine, le minerai d’uranium est transporté vers une usine de traitement. Cette étape permet d’obtenir un concentré d’uranium, le yellow cake5. Il existe deux méthodes de traitement. Le traitement par lixiviation dynamique est utilisé pour le minerai dont la teneur en uranium est supérieure à 1 ‰. Le minerai est alors concassé puis broyé par des procédés mécaniques. Il subit pendant plusieurs heures une attaque oxydante en milieu acide dans des cuves. Au terme de cette opération, l’uranium se transforme en pulpe. Après filtrage et lavage de la pulpe, le jus uranifère est récupéré et envoyé vers la queue d’usine pour être purifié et concentré. La solution uranifère obtenue grâce à la lixiviation est purifiée, c’est-à-dire libérée d’autres métaux et résidus sableux. L’uranium est extrait des liquides par des solutions organiques ou des résines échangeuses d’ions. Il est enfin précipité pour obtenir après séchage un concentré d’uranium (le yellow cake) sous forme d’uranate de magnésie. Le traitement par lixiviation statique (ou dite aussi « en tas ») est une technique plus récente6 de valorisation des minerais à basse ou très basse teneur d’uranium, inférieure à 1 ‰. La lixiviation est dite « en tas », parce que le minerai est d’abord amassé et tassé. Dans ce cas, le minerai est concassé puis aggloméré à l’aide d’eau et d’acide, avant d’être mis en tas sur des aires étanches. Les tas sont arrosés en goutte à goutte par des solutions à base d’acide qui percolent pendant plusieurs mois au travers du minerai, et se chargent en uranium. Le jus enrichi en uranium est ensuite drainé et envoyé pour traitement en usine afin de produire le yellow cake. Après traitement, celui-ci est conditionné et enfûté, puis expédié jusqu’aux usines de conversion pour y subir de nouveaux traitements chimiques, avant de l’enrichir. Si l’uranium peut donc être produit sous différentes formes, notons que l’unité standard sur le marché boursier est l’oxyde d’uranium (U3O8), et que ses cours sont libellés en dollar par livre d’U3O87.

« Arrivés en fin d’exploitation, les sites miniers doivent être démantelés, réaménagés et revégétalisés en stricte conformité avec les normes environnementales en vigueur dans le pays et les règles de l’exploitant, et en concertation avec les populations locales »

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Par Cécile Crampon, Sfen – Photo © Orano – Légende I Mine de type ISR à Kanzhugan au Kazakhstan.

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