5/9 - Nucléaire civil : un réel engouement à travers le monde - Sfen

5/9 – Nucléaire civil : un réel engouement à travers le monde

Publié le 12 mai 2022 - Mis à jour le 23 juin 2022
  • Arabie Saoudite
  • Biélorussie
  • Egypte
  • Émirats Arabes Unis
  • Indonésie
  • Philippines
  • Pologne
  • Russie
  • Turquie

Plusieurs pays sont actuellement en train de construire leur première centrale nucléaire tandis que d’autres souhaiteraient le faire. Que ce soit pour la petite ou la forte puissance, l’intérêt pour le nucléaire touche de plus en plus de pays.

Dans le paysage médiatique, les « sorties » du nucléaire font souvent plus de bruits que les « entrées ». Sans doute cet état de  fait est-il lié à l’effet d’annonce : la décision de sortie du nucléaire est un temps politique fort et circonscrit alors que le  développement d’une filière nucléaire peut s’étaler sur plusieurs années voire plusieurs décennies. De plus, ces projets peuvent  parfois traîner en longueur ou être gelés pour différentes raisons, parmi lesquelles l’instabilité économique, politique,  diplomatique soit, de manière plus générale, tout ce qui peut effrayer les investisseurs.

« De nombreux pays ont recours à la science et à la technologie nucléaires afin de contribuer à la réalisation de leurs objectifs de développement dans des domaines comme l’énergie, la santé humaine, la production alimentaire, la gestion de l’eau et la  protection de l’environnement relève l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’utilisation de ces techniques  contribue directement à 9 des 17 objectifs de développement durable (ODD). » Dans son « Rapport d’ensemble sur la technologie nucléaire  » publié en septembre 2021, l’agence identifie deux groupes rassemblant en tout 27 pays pouvant être considérés comme primo- accédants potentiels.

↦ Ceux qui envisagent l’électronucléaire sans avoir pris de décision définitive (phase décisionnelle) : l’Algérie, la Bolivie, le Chili, le Salvador, l’Éthiopie, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Maroc, le Niger, les Philippines, le Sénégal, le Sri Lanka, le Soudan, la Thaïlande, la Tunisie, l’Ouganda et la Zambie.

↦ Ceux qui ont pris leur décision et mettent sur pied l’infrastructure, ou ont signé un contrat et préparent ou ont entamé les travaux de construction (phase post-décisionnelle) : le Bangladesh, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, la Jordanie, le Nigeria, la  Pologne, l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Ouzbékistan.

Parmi ces pays, seule la Turquie compte un chantier actif. « D’après les  plans nationaux actuels des 27 États membres susmentionnés précise l’AIEA, 10 à 12 pays primo-accédants devraient recourir à l’électronucléaire d’ici à 2035, soit une augmentation d’environ 30 % du nombre d’États membres exploitant des centrales. » En  complément de cette liste, deux pays primo-accédants, mais ayant déjà démarré une première unité, doivent être mentionnés : les  Émirats arabes unis et la Biélorussie.

L’atome, populaire aux pays de l’or noir

Émirats arabes unis

Les Émirats arabes unis (EAU), avec deux réacteurs fraîchement connectés au réseau en 2020 et 2021, disposent d’une légère  avance sur la Turquie et plus encore sur le voisin saoudien. Barakah, la première centrale du pays, mais également de la péninsule arabique, comptera au total quatre réacteurs coréens APR 1400. La construction de l’unité 3 s’étant terminée fin 2021,  il n’y a plus qu’un seul réacteur en construction, qui a dépassé son achèvement à 90 %.

Pour comprendre cet engouement, il faut rappeler que l’option nucléaire est étudiée collectivement dans la région depuis les  années 2000. Fin 2006, le Conseil de coopération du Golfe (EAU, Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn, Qatar et Oman) déclare  s’intéresser aux usages pacifiques du nucléaire. Après avoir étudié plusieurs offres, les EAU sélectionnent le consortium coréen  fin 2009 et le chantier de la première unité débute en 2012. Les Français, qui avaient participé à l’appel d’offres, apportent  aujourd’hui leur soutien aux équipes d’exploitation et de maintenance à travers l’initiative E-Fusion portée par le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen), Business France et Emirates Nuclear Energy Corporation (ENEC). Concernant  la gestion des déchets, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et ENEC ont signé le 31 janvier 2019  un accord de coopération pour le développement d’un vaste programme de gestion des déchets radioactifs. Une fois entièrement  en service, la production électronucléaire des EAU sera équivalente à 25 % des besoins des 9,3 millions d’habitants  des sept émirats de l’État. Les EAU s’intéressent également aux SMR pour des opérations de désalinisation ou pour  la production d’hydrogène.

Arabie saoudite

L’Arabie saoudite affirme son intérêt pour l’énergie nucléaire et vise la construction d’une première centrale nucléaire avec deux réacteurs nucléaires d’une puissance de 1 000 à 1 600 MWe. La France avait d’ailleurs été la première à signer un accord de coopération dans le nucléaire civil avec l’Arabie saoudite en 2011. Le fournisseur des technologies de la centrale devrait être  sélectionné en 2024 pour une mise en service de la première tranche en 2036. Les cinq compétiteurs sont la France, la Corée du Sud, les États-Unis, la Chine et la Russie. La société française Assystem est en charge des études de site pour le  développement de ces deux premiers réacteurs de puissance. Le ministre saoudien de l’Énergie a récemment indiqué que  l’objectif était de développer 17 GW d’électricité d’origine nucléaire avec un intérêt grandissant pour les SMR dans le domaine de la production d’hydrogène. En parallèle, l’Arabie saoudite finalise, avec l’entreprise argentine Invap SE, la construction d’un  réacteur de recherche qui sera utilisé pour de la formation.

La Russie séduit les primo-accédants

L’offre russe séduit, que ce soit en Biélorussie, en Turquie, au Bangladesh ou en Égypte. Un constat qui sera toutefois peut-être  révisé à l’épreuve du conflit avec l’Ukraine. Au-delà de la technologie de réacteurs VVER ou des capacités de construction à  l’export, l’offre russe a séduit en proposant des solutions de financement intéressantes. Les sanctions massives qui frappent le  pays depuis la fin du mois de février 2022 remettent en cause ce modèle et le futur des projets d’export russe est aujourd’hui  incertain. Ils témoignent néanmoins de l’envie des pays clients de développer l’énergie nucléaire.

Biélorussie

La construction d’une première centrale était envisagée dans les années 1980. Cependant, c’est en 2006 que le sujet revient  dans les discussions et en 2008 que la décision est prise. Le russe AtomStroyExport est sélectionné en 2009, la centrale  s’apprêtant à accueillir au total deux réacteurs de technologie russe (VVER) de 1 200 MWe. Le premier béton de la première  unité – qui marque le début de la construction du réacteur – est coulé en novembre 2013, celui de la seconde en avril 2014.  Connectée au réseau depuis novembre 2020, la centrale nucléaire biélorusse, située près de la frontière avec la Lituanie va se renforcer prochainement de la seconde unité, qui a été chargée en combustible en décembre 2021.

Turquie

Bien que le chantier de la première centrale nucléaire destinée à produire de l’électricité soit relativement récent, l’intérêt de la Turquie pour le nucléaire remonte aux années 1950. En effet, la construction du premier réacteur de recherche (TR-1) débute en 1959. Exploité de 1962 à 1977, il était utilisé pour la recherche et la production d’isotopes destiné au secteur médical. Son  successeur, TR-2, est en service depuis 1982 au centre nucléaire de Çekmece, près d’Istanbul. La Turquie a connu de nombreux projets avec des partenaires et autour de technologies variées. De l’Atmea 1 porté par un consortium franco-japonais jusqu’à un  projet de Candu avec le Canada en passant par l’EPR français ou les VVER russes, de nombreux projets ont bien souvent été  mis à mal par l’instabilité économique, politique ou diplomatique du pays. Parmi les trois projets envisagés, Akkuyu, au sud du pays, en face de Chypre, est le seul à se réaliser. Il compte aujourd’hui trois réacteurs en construction et devra accueillir au total  quatre réacteurs de technologie russe (VVER-1200). La construction de la première unité a débuté en 2018 et le coulage du  premier béton de la quatrième unité doit avoir lieu en 2022. Selon les propos tenus début 2021 par Anastasia Zoteeva, CEO  d’Akkuyu Nükleer AS project company, les unités seront mises en service, une à une, à partir de 2023 soit l’année du centième  anniversaire de la République de Turquie.

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Par Gaïc Le Gros, Sfen

Photo I © AIEA I Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, aux Émirats arabes unis, 2021

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