5. 60 ans d’exploitation ? L’ASN précise ses demandes - Sfen

5. 60 ans d’exploitation ? L’ASN précise ses demandes

Publié le 17 juillet 2023 - Mis à jour le 5 septembre 2023

Article publié dans la Revue Générale Nucléaire ÉTÉ 2023 #2

Si les premiers réacteurs nucléaires du parc français prennent à peine le chemin des 50 ans, c’est maintenant qu’il convient d’anticiper la prolongation de ces unités à 60 ans et plus. Dans une note récente, l’ASN rappelle les principes de la démarche de justification et identifie deux sujets à traiter en particulier : les coudes E et la tenue au séisme de la centrale de Cruas.

EDF souhaite exploiter le parc nucléaire existant au moins jusqu’à 60 ans. D’autres pays ont déjà autorisé cette échéance, voire même au-delà (Japon, Finlande, États-Unis). La limite des 40 ans souvent évoquée médiatiquement n’existe pas. Un réacteur n’a pas d’âge limite, la législation française prévoyant des visites prolongées tous les dix ans. Ces réexamens périodiques sont l’occasion d’analyses très approfondies sur la cuve, le circuit primaire, l’enceinte, les niveaux d’aléas naturels (séismes, températures élevées, inondations, etc.). Au terme de ces visites décennales, l’ASN autorise le réacteur à fonctionner pour une décennie supplémentaire. Même si les premiers réacteurs français viennent à peine de franchir les 40 ans d’exploitation, l’ASN estime qu’il est souhaitable d’engager sans attendre la réflexion pour envisager les 60 ans. Ainsi, dans un avis publié le 14 juin 20231, l’autorité écrit qu’elle « prendra position sur les conditions de la poursuite de fonctionnement des réacteurs au-delà de 50 ans à l’occasion de leur cinquième réexamen périodique. Cet horizon s’avère toutefois trop lointain pour que les enjeux en matière de sûreté nucléaire puissent être suffisamment anticipés et intégrés dans la politique énergétique ». Dans une interview accordée à la RGN en avril 2023, le président de l’ASN Bernard Doroszczuk expliquait : « Il est important que, dans les deux ans qui viennent, le gouvernement demande à EDF de fournir à l’ASN des justifications de sûreté sur la durée de vie des réacteurs nucléaires au-delà du cadre des visites décennales ». L’autorité indépendante vise « une instruction  approfondie débouchant sur une prise de position de l’ASN fin 2026 ». Plusieurs sujets à étudier de près avaient déjà été identifiés par l’ASN et EDF dans le cadre d’une exploitation à long terme, à savoir la tenue de la cuve des réacteurs, la résistance des enceintes de confinement, le changement climatique et la modification des conditions d’exploitation en fonction de l’évolution du mix énergétique. Bien identifiés, ils font déjà l’objet d’études approfondies. Mais dans son nouvel avis, l’ASN identifie deux sujets techniques sur lesquels elle attend des justifications par l’exploitant. D’une part, « la résistance mécanique de certaines portions des tuyauteries principales du circuit primaire de plusieurs réacteurs, appelées coudes E » et d’autre part « la prise en compte du retour d’expérience du séisme survenu au Teil le 11 novembre 2019 pour la centrale de Cruas (Ardèche) ».

Résistance mécanique des coudes E

Les coudes E sont des tuyaux moulés (et non forgés) en acier inoxydable de forte dimension reliés à la cuve du réacteur. Ils se situent sur le circuit primaire. Ces pièces n’ont pas connu de difficultés au moment de leur fabrication et leurs contrôles non destructifs n’ont détecté aucune anomalie en sortie d’usine avant d’être montées sur les réacteurs. Toutefois, conformément à la démarche classique de sûreté, on fait l’hypothèse que la présence de défauts à l’origine n’a pas été éliminée étant donné que « le procédé de fabrication par moulage utilisé est susceptible de générer des défauts de fabrication » explique l’ASN. Par ailleurs, elle rappelle que « l’acier inoxydable moulé vieillit lorsqu’il est soumis à la température de fonctionnement des réacteurs ». Cela pourrait ainsi conduire à diminuer la résistance du métal à la propagation d’un défaut. La note de l’ASN cite cinq réacteurs « pour lesquels les analyses mécaniques réalisées à l’occasion de leur quatrième réexamen périodique ne permettent pas de justifier une poursuite de fonctionnement d’ici l’atteinte de leurs 60 ans » : Tricastin 4, Saint- Laurent-des-Eaux 2, Dampierre 4, Blayais 3 et Paluel 2. Le sujet des coudes E n’est pas nouveau, il est identifié et suivi depuis des années. Les travaux d’étude et d’analyse approfondis ont déjà conclu positivement pour un fonctionnement jusqu’à 50 ans.


1. www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/perspectivesde-poursuite-du-fonctionnement-des-reacteursnucleaires-d-edf-jusqu-a-leurs-60-ans

 

Prolongez la lecture de la RGN

Cet article est réservé aux adhérents de la SFEN. Pour lire la suite et avoir accès à l’ensemble de nos archives, abonnez-vous à la Revue Générale Nucléaire.

Par Ludovic Dupin, Sfen

Photo I Centrale nucléaire de Cruas-Meysse.

© Xavier POPY / REA / EDF