4/7 – Nucléaire spatial : un atout pour les futurs explorateurs

Plongés dans l’environnement hostile de l’espace, les spationautes ont besoin d’énergie pour se chauffer, pour produire de l’oxygène et de l’eau potable et pour diminuer leur temps de trajet. Les agences spatiales du monde entier ont décidé de miser sur l’énergie nucléaire en raison de sa fiabilité et de sa densité énergétique.
L’exploration spatiale revient sur le devant de la scène mondiale. Selon son directeur de l’exploration humaine et robotique, David Parker, l’Agence spatiale européenne (ESA) prévoit d’envoyer des spationautes sur la Lune d’ici la fin de la décennie et sur Mars dans les années 2040. Comme de nombreux acteurs du spatial, l’ESA souhaite à terme y établir des bases permanentes afin de mener de nombreuses expériences scientifiques. Pour protéger du rayonnement ionisant auquel sont exposés les spationautes durant le voyage qu’il faut donc raccourcir pour se chauffer, produire de l’oxygène et de l’eau potable, les agences spatiales sont confrontées à la nécessité de penser à une source d’énergie sûre et pérenne, compatible avec les multiples contraintes du spatial.
La production d’électricité
Les systèmes de production d’énergie spatiaux doivent être les plus petits et légers possible, avoir une durée de vie d’une dizaine d’années, être extrêmement fiables et enfin pouvoir fonctionner sans lumière solaire (une nuit lunaire dure environ quatorze jours). À l’heure actuelle, seule l’énergie nucléaire permet de répondre à tous ces critères. lorsque les capacités de stockage auront évolué et après une installation déjà solidement établie, alors seulement les panneaux solaires pourraient devenir une alternative viable. Pour l’heure, les agences spatiales du monde entier se concentrent sur l’atome. Deux types de systèmes nucléaires électrogènes sont sur les rangs : les réacteurs à fission et les RTG (Radioisotope Thermoelectric Generator).
Les réacteurs à fission
Tout comme sur Terre, les réacteurs à fission spatiaux exploiteraient une réaction en chaîne contrôlée pour produire de la chaleur, avec tout de même quelques modifications. Comme il s’agit de réduire au maximum la masse du réacteur, le combustible sera de l’uranium très enrichi à plus de 90 %. Par ailleurs, dans l’espace, la seule source froide disponible est une surface radiative. Puisque la puissance perdue via radiations par unité de surface varie en fonction de la température à la puissance 4, les réacteurs, selon la loi de Stefan-Boltzmann, devront fonctionner à haute température (plus de 700 °C). Un tel fonctionnement se fait certes au détriment de l’efficacité énergétique qui se situerait alors entre 3 % et 15 %, contre 30 % dans les centrales terrestres, mais elle n’est pas la priorité dans ce cas. Enfin, les matériaux permettant un fonctionnement à des températures élevées ralentissent mal les neutrons. Le réacteur devra donc nécessairement être à neutrons rapides (RNR).
De tels réacteurs ont déjà été développés entre les années 1960 et la fin des années 1980, avec des niveaux de maturité technologique différents. Des projets pour créer la nouvelle génération de réacteurs à fission spatiaux sont en cours. Aux États-Unis, le projet KiloPower vise la production de 1 à 10 kWe avec conversion par moteur Stirling, et un prototype a déjà été testé au sol en 2018. La Russie vise avec son projet Keldysh Power Transport Module la production d’1 MWe par cycle Brayton. L’Europe accuse de son côté un retard puisqu’après avoir produit le rapport Mégahit en 2013, qui proposait une feuille de route pour le développement de systèmes nucléaires spatiaux, elle n’a pour l’heure abouti à aucun projet.
Les RTG
Les RTG produisent de la chaleur à partir de la décroissance radioactive naturelle de radioisotopes. Le choix du radioisotope dépend de plusieurs critères. Comme la durée de vie du générateur doit être d’environ une dizaine d’années et que les radioisotopes ne doivent pas perdre une part significative de leur puissance durant la mission, la durée minimale de demi-vie d’un radioisotope devrait être d’au moins cinquante ans, afin d’assurer une puissance variant de moins de 10 %. Ensuite, pour éviter un blindage trop important, les radioisotopes doivent subir une désintégration alpha avec une très haute probabilité, estimée à 99 %.
Ajoutons que la puissance émise par unité de volume et de masse doit être la plus grande possible et que les radioisotopes doivent pouvoir être produits dans des quantités suffisantes à un coût abordable (la Nasa et le Department of Energy [DOE] ont budgété 50 millions de dollars pour produire 2 kg par an pendant cinq ans). Enfin, afin de garantir une certaine sécurité en cas d’incidents, les radioisotopes doivent pouvoir être inclus dans des matériaux non-solubles, présentant une chimio-toxicité minimale et stable à hautes températures. Deux radioisotopes répondant à ces critères existent : l’amercium 241 et le plutonium 238 (voir tableau 1). Initialement le polonium 210 avait été utilisé par les États-Unis dans le développement de RTG et par l’URSS comme élément chauffant pour ses rovers lunaires. Mais sa faible demi-vie de 138 jours le rend inadapté à des missions de plus longue durée.
Cet article est réservé aux adhérents de la SFEN. Pour lire la suite et avoir accès à l’ensemble de nos archives, abonnez-vous à la Revue Générale Nucléaire.
