3. Avancées sur le multirecyclage en réacteur à eau pressurisée - Sfen

3. Avancées sur le multirecyclage en réacteur à eau pressurisée

Publié le 24 avril 2023 - Mis à jour le 25 juillet 2023

Article publié dans la Revue Générale Nucléaire PRINTEMPS 2023 #1

Le programme de R&D français sur le Multirecyclage en REP (MRREP) est un cycle de transition préparant la fermeture du cycle avec le déploiement des Réacteurs à neutrons rapides (RNR). Il permettra de stabiliser les inventaires de combustibles usés et le plutonium dans les entreposages et d’augmenter significativement la part des matières recyclées utilisées dans les réacteurs français.

Le cycle du combustible français repose actuellement sur le monorecyclage. Les combustibles usés à l’uranium naturel enrichi sont retraités une fois afin d’en extraire le plutonium et l’uranium. Aujourd’hui, 10 % de l’électricité nucléaire française est produite avec les combustibles MOX issus du plutonium extrait des combustibles usés et de l’uranium appauvri, actuellement utilisés dans 22 des 56 réacteurs du parc électronucléaire français. Alors que 24 réacteurs de 900 W sont déjà licenciés et sous réserve d’autorisation avant la fin de la décennie, quelques réacteurs du palier 1 300 MW pourraient également recevoir du MOX. En parallèle, la filière a décidé la reprise du recyclage de l’Uranium de retraitement (URT) via le chargement de combustibles URE (Uranium de retraitement enrichi) à partir de 2023 dans les réacteurs du site de Cruas, puis, sous réserve d’autorisation, dans les réacteurs de 1 300 MW avant la fin de la décennie. Cette stratégie doit permettre à terme d’atteindre l’objectif de l’ordre de 20 % pour la part de matières recyclées dans les réacteurs français. Le monorecyclage des matières apporte de nombreux bénéfices : une économie d’uranium naturel de 20 à 25 % mais aussi une division par quatre du nombre de combustibles usés à entreposer et un meilleur confinement des déchets ultimes.

Pour l’heure, les combustibles MOX et URE usés sont entreposés dans l’attente d’une valorisation ultérieure. Le projet de piscine d’entreposage centralisé viendra compléter les capacités d’entreposage du combustible à la Hague.

Au-delà du monorecyclage, les orientations de la loi de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 sur la  transformation des activités du cycle du combustible en fonction de l’évolution du parc nucléaire confirment la poursuite de « l’étude des options technologiques qui pourraient assurer la fermeture complète du cycle sur le long terme (multirecyclage des combustibles usés permettant à terme d’être indépendant énergétiquement vis-à-vis de l’uranium naturel) ». Les recherches sur les réacteurs RNR et le cycle associé se poursuivent, notamment concernant la validation de certaines options de sûreté, l’amélioration des possibilités d’inspection en service – le sodium est un liquide opaque –, les procédés de traitement et de fabrication des combustibles, en y intégrant des objectifs technico-économiques passant par l’amélioration des options de conception et des choix technologiques. Par ailleurs, le programme « France 2030 », via l’appel à projet sur les petits réacteurs innovants, a relancé l’investissement sur les technologies RNR. Toutefois, un passage à l’échelle industrielle ne peut être envisagé avant la seconde moitié du siècle, pour des raisons de maturité technologique et de ressources industrielles,  humaines et financières. La France est en effet déjà engagée dans plusieurs programmes massifs, dont la prolongation de son parc nucléaire, et la construction de six réacteurs EPR 2.

En complément, la solution de multirecyclage du plutonium (Pu) via l’utilisation de combustibles de type MOX2 (contenant du Pu issu du traitement d’assemblages MOX usés) dans les Réacteurs à eau sous pression (REP) pourrait permettre de stabiliser les stocks de combustibles usés et de plutonium, de continuer à progresser sur le taux de recyclage des matières, et de préparer l’option du multirecyclage en réacteur rapide. Pour permettre un multirecyclage, des progrès concernant les briques technologiques et industrielles suivantes sont nécessaires :
des capacités complémentaires aux installations actuelles de l’usine de la Hague, permettant de traiter à un rythme industriel les MOX usés. Ces capacités seront nécessaires à la fois pour le multirecyclage dans les Réacteurs à eau pressurisée (REP) et pour le multirecyclage en RNR ;
le développement et l’industrialisation des évolutions des concepts de combustibles MOX 2 qui permettraient de valoriser le Pu des MOX usés d’abord dans les REP, puis dans les réacteurs futurs GEN IV, à mesure de leur mise en oeuvre industrielle. Le programme de R&D de multi recyclage en REP (MRREP) en cours permet d’avancer sur les deux points suivants :
le traitement des MOX-REP usés : une première étape vers le multirecyclage en RNR ;
la définition et la qualification de combustibles MOX2, via des évolutions simples des combustibles MOX. Et la faisabilité technique et économique d’une étape intermédiaire permettant le multirecyclage du plutonium dans les réacteurs REP moyennant des adaptations très limitées pour respecter les référentiels de sûreté et les contraintes et objectifs d’exploitation.
Ce cycle de transition doit permettre :
de recycler tous les types de combustibles usés, UNE (Uranium naturel enrichi), URE, MOX et de stabiliser les inventaires de combustibles usés et le plutonium dans les entreposages ;
de contribuer à la pérennisation et la modernisation de la filière de recyclage française, notamment le maintien des compétences de la filière nucléaire dans la conception et la réalisation de projets d’ampleur ;
d’augmenter la part des matières recyclées dans les réacteurs français de 20 % à 40 %.

1. Le programme de multirecyclage en REP

Le CEA, EDF, Framatome et Orano se sont organisés, conformément au Contrat stratégique de la filière nucléaire française 2019-2022 et son avenant, pour établir un programme de R&D permettant d’étudier l’intérêt du Multi recyclage en REP (MRREP) des matières (Pu et U) en termes de compétitivité, de gestion des matières et déchets ainsi que sa faisabilité et ses performances en réacteurs (sûreté et exploitation) et dans le cycle du combustible (traitement, fabrication, transport, entreposage). Ce programme, coordonné par Orano, évaluera la question de la soutenabilité des solutions technologiques identifiées avant le recours aux réacteurs de 4e génération, et la compatibilité de ces mêmes solutions avec les objectifs de la PPE.

L’évaluation de l’intérêt et de la faisabilité du MRREP par les partenaires de la filière nucléaire française reposera sur cinq grands objectifs, à vérifier pour les différents concepts d’assemblages de combustibles MOX2 étudiés dans ce programme.

Diminution de l’inventaire déchets/matières par rapport au monorecyclage tout en assurant la capacité à mettre en oeuvre une transition vers un parc de réacteurs à neutrons rapides.
Maintien des performances des réacteurs en exploitation sur le parc futur EPR 2 : garantir le maintien du niveau de sûreté et la sécurité d’approvisionnement et maintenir les performances en termes de disponibilité et manoeuvrabilité.
Faisabilité dans les usines du cycle et transports associés : évaluer la possibilité d’un déploiement partiel du MRREP dans les usines actuelles et rendre disponibles les  technologies nécessaires, pour pouvoir lancer dans les délais requis les projets de renouvellement des usines du cycle, établir le dimensionnement des futures usines en fonction du scénario de puissance installée sur le parc.
Développement des procédés avancés pour les futures usines du cycle y compris les synergies/ passerelles avec les procédés nécessaires au déploiement de la technologie de réacteurs à neutrons rapides.
Compétitivité : comparaison entre un système EPR 2 avec monorecyclage des matières, et un système EPR 2 avec multirecyclage des matières en valorisant les services  rendus. Le programme intègre une irradiation expérimentale d’assemblages de combustible tests en réacteur, qui démontrera le caractère recyclable des combustibles MOX irradiés avec les technologies réacteur et cycle actuelles, éventuellement adaptées. Cela permettra de sécuriser un potentiel déploiement de l’utilisation de combustible MOX2 en réacteur à l’horizon 2040.

Les partenaires collaborent et mènent des études correspondant à leurs domaines d’expertise et de connaissances propres permettant de consolider une vision systémique sur les usines du cycle et les réacteurs dans le cadre du projet MRREP, tout en gérant les interfaces avec les projets préindustriels connexes.

Prolongez la lecture de la RGN

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Par Cécile Evans (Orano), Frédéric Laugier (EDF), Pierre-Henri Louf (Framatome), Yolanda Rugama (Framatome), François Sudreau (CEA), Guillaume Vaast (EDF)

Photo I Processus de vitrification à l’usine de la Hague – © Orano