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11. Dans le rétro : les principales approches de sûreté

Publié le 24 janvier 2023 - Mis à jour le 4 avril 2023
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  • sûreté nucléaire

Le développement du nucléaire, tant civil que militaire, s’est accompagné dès l’origine d’une réflexion poussée sur la maîtrise des risques. Dès 1958, les représentants américains et anglais sont en mesure de présenter une démarche formalisée en matière de sûreté nucléaire. Leurs deux démarches, déterministe et probabiliste, font encore référence aujourd’hui.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, pour des raisons de secret militaire et de protection contre les radiations, les sites du « projet Manhattan » de fabrication des bombes atomiques sont implantés loin des villes. Ainsi du site d’Hanford, destiné à la production de plutonium, implanté en 1942 dans une région désertique, à plus de 30 kilomètres des premières zones urbaines. La conception et la réalisation des réacteurs d’Hanford sont confiées à la société DuPont, spécialiste des procédés chimiques, sur la base d’un design expérimental d’Enrico Fermi, père du premier réacteur nucléaire de l’histoire.

Le double caractère innovant et dangereux du projet, combiné à l’exigence de rapidité imposé par la guerre, conduit les ingénieurs de DuPont à développer une approche de sécurité et de fiabilité spécifique. Le premier aspect tient à la modularité et à la flexibilité. L’idée consiste à séparer les équipements en sous-systèmes pour rendre leur implémentation indépendante les unes des autres. Ce découpage du design par les ingénieurs de DuPont, utilisé pour pouvoir démarrer la construction de certaines parties du réacteur avant d’avoir conçu l’ensemble, est à l’origine du concept d’indépendance fonctionnelle et structurelle des systèmes qui est, encore aujourd’hui, un fondement de la sûreté nucléaire.

Ensuite, face aux immenses incertitudes entourant les usages de l’énergie atomique, les ingénieurs de DuPont recourent à des marges de sécurité très importantes dans leurs calculs et installent, par précaution, des équipements de sécurité redondants pour pallier la défaillance des systèmes les plus importants pour la sûreté. Pour identifier ces derniers, ils emploient un scénario, appelé design basis accident, pour lequel il s’agit de se prémunir en doublant tous les équipements dont la défaillance conduirait à le faire advenir.

La formalisation de l’approche déterministe américaine

Dans les années 1950, l’Atomic Energy Commission (AEC), l’agence de promotion et de contrôle des usages pacifiques de l’énergie nucléaire américaine, établit une première règle en matière de sûreté nucléaire pour accompagner le développement pacifique et civil des usages de l’énergie atomique. Celleci impose aux futurs exploitants nucléaires de garantir la possibilité d’évacuation des populations dans un rayon équivalent à R = 0,01 √P, avec P = puissance thermique en kilowatts1, autour du site d’implantation.

Rapidement, cette approche par la distanciation se voit complétée par des exigences de prévention des accidents et de limitation des rejets radioactifs en cas d’accident. L’AEC développe dans ces années une approche générale de la sûreté des réacteurs qui se veut raisonnablement conservative. Les dangers potentiels d’une installation sont établis à partir d’un scénario de référence, jugé enveloppe de tous les scénarios accidentels « crédibles » qui peuvent se produire dans l’installation. La conception peut alors être considérée comme satisfaisante aux yeux de l’AEC s’il peut être raisonnablement déduit que « l’accident maximal crédible » produira un danger négligeable pour le public. Le caractère raisonnable de la déduction ou négligeable du danger pour le public repose sur une appréciation nécessairement subjective comme l’explique les représentants de l’AEC dans une communication présentée à la deuxième conférence Atoms for Peace de Genève en 1958 : « Tant que peu de réacteurs de conception similaire sont construits et que l’expérience accumulée est insuffisante pour donner une indication claire des caractéristiques qui sont à long terme les plus acceptables, le jugement d’évaluation de l’adéquation de la sûreté ne peut être que subjectif2 ».

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Par 

Mathias Roger, docteur en sociologie des sciences et des techniques, chercheur au Laboratoire d’économie et de management de Nantes-Atlantique
Michaël Mangeon, docteur en sciences de gestion, chercheur associé au laboratoire Environnement ville société (EVS)
Emmanuel Martinais, ingénieur des travaux publics de l’État et docteur en géographie, chargé de recherche au laboratoire Environnement ville société

Photo I Légende : Le général de Gaulle appuie sur un bouton pour mettre en marche la pile G2, lors de sa mise en service par le commissariat à l’énergie atomique en 1958.

© AFP

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