10. Le combustible et son cycle : puissants leviers pour l’exploitation de long terme - Sfen

10. Le combustible et son cycle : puissants leviers pour l’exploitation de long terme

Publié le 18 juillet 2023 - Mis à jour le 25 juillet 2023

Article publié dans la Revue Générale Nucléaire ÉTÉ 2023 #2

Si la tenue des matériaux est souvent évoquée dans l’exploitation à long terme du parc nucléaire, les stratégies liées à l’utilisation des combustibles et à la durée des cycles sont également à regarder de près car elles ont un rôle très important dans la performance globale de l’installation.

Le volet combustible associé à la perspective de fonctionnement dans la durée du parc nucléaire français renvoie aux choix relatifs à la « stratégie combustible ». Celle-ci  s’inscrit dans une durée de fonctionnement du parc existant au-delà de 50 ans, avec une priorité absolue donnée à la sûreté nucléaire. Sûreté qui s’étend de la conception et en exploitation des réacteurs, aux performances d’exploitation et à la cohérence du cycle du combustible et de la sécurité des approvisionnements. Or la question du combustible, loin de se réduire à ce seul dernier point, se pose en réalité par rapport à chacun de ces enjeux.

Sûreté à la conception et en exploitation

Pour la sûreté à la conception et en exploitation, un des principaux objectifs de la feuille de route des évolutions de produits combustibles de la Direction du combustible nucléaire (DCN) est la fiabilité des produits. Les évolutions sur la conception et la fabrication des assemblages combustibles mises en oeuvre ces dernières années ont conduit à une amélioration progressive de leur fiabilité. On peut évoquer notamment la réduction des apparitions d’inétanchéité des produits combustibles, ainsi que la déformation des assemblages ou l’endommagement des grilles des assemblages en manutention. Comme l’indique la figure 1, l’évolution du taux d’inétanchéité des assemblages  combustibles d’EDF (correspondant au nombre d’assemblages inétanches ramené au nombre total d’assemblages déchargés) est en baisse constante ces vingt dernières  années. En 2022, on constate un taux d’inétanchéité de l’ordre de 0,07 %, le meilleur taux de fiabilité obtenu à ce jour par EDF. Ce taux de fiabilité avait certes déjà été  observé par EDF en 1999, mais il s’était ensuite très vite dégradé avec l’apparition d’un phénomène de fretting résolu en une dizaine d’années environ via des évolutions de conception pour les produits combustibles concernés. La plupart des inétanchéités observées dans la décennie suivante ont été solutionnées par des évolutions des process de fabrication. Les améliorations constatées ont été observées dans la durée et illustrent la robustesse des résultats sur le parc EDF. Néanmoins les efforts se poursuivent  sans cesse. Pour le futur, les meilleures technologies combustibles disponibles sont ciblées au regard des objectifs de sûreté, aussi bien au niveau des crayons combustibles que des squelettes des assemblages.

Performances en exploitation

Sur le volet des performances en exploitation associées aux gestions combustibles, quelques évolutions se dessinent aujourd’hui. L’une d’entre elles, dont la mise en oeuvre a débuté en 2020, consiste à adapter les recharges de combustible pour répondre aux contraintes pesant sur la programmation des plannings d’arrêt des réacteurs et mieux s’adapter aux perturbations comme celles que le parc a connues les années passées, avec notamment les cas de Corrosion sous contrainte (CSC). Ceux-ci ont  conduit, en 2022, à des bouleversements importants au niveau de la disponibilité des réacteurs et de la programmation des arrêts. Les leviers d’ajustement des recharges doivent bien sûr s’inscrire dans le cadre d’un même référentiel de sûreté. Par exemple, il a été établi que faire varier le nombre d’assemblages neufs d’une recharge de combustible à hauteur de plus ou moins huit offrait un levier d’adaptation de la programmation d’un arrêt de tranche très appréciable pour préserver une capacité de production en hiver et sécuriser l’équilibre offre-demande du système électrique sur cette période particulièrement sensible.

À moyen terme, une autre évolution envisagée concernerait les tranches CPY 900 MW, pour lesquelles la gestion combustible en vigueur conduit à des campagnes de production annuelles. L’objectif consiste à aller vers une gestion combustible permettant d’atteindre des durées de campagnes de l’ordre de 16 mois. Cet allongement sera associé à une amélioration significative de la disponibilité des réacteurs avec une mise en oeuvre a minima sur les 22 tranches CPY qui reçoivent des assemblages MOX. Ce programme devrait être déployé avant les cinquièmes visites décennales de chaque centrale. Une autre évolution de la gestion des combustibles est envisagée en vue de préserver la durée de vie des cuves via la limitation de la fluence neutronique : il s’agit d’introduire des grappes fixes absorbantes en hafnium dans les assemblages situés face aux secteurs de la cuve les plus exposés aux flux neutroniques. Cette évolution matérielle est en cours de mise en oeuvre sur les tranches des paliers 900 MWe et 1 300 MWe et elle est également prévue sur les tranches N4. Comme on le sait, un facteur-clé pour répondre aux besoins du système électrique est la capacité à assurer la manoeuvrabilité des réacteurs, a fortiori dans le cadre du développement des énergies intermittentes. Vu du combustible, ce sont les performances liées au phénomène  d’interaction pastille-gaine qui permettent de répondre à ces attentes. La feuille de route d’EDF sur les produits combustibles intègre ces besoins dans la durée.


Tranches 900 MWe : campagnes de 24 mois et gestion du combustible

Les campagnes de 24 mois aux États-Unis sont principalement mises en oeuvre sur des réacteurs bouillants, beaucoup moins sur les réacteurs à eau pressurisée. On peut souligner que ces réacteurs ne recyclent pas le MOX. Si des campagnes de 24 mois étaient mises en oeuvre sur les tranches 900 MWe en France, il serait nécessaire, au regard de la cohérence du cycle de combustible, de prévoir des recharges comportant de l’ordre de 24 assemblages MOX. Or les assemblages MOX présentent sur le 900  MWe une équivalence énergétique comparable à celle d’un assemblage uranium naturel enrichi à 3,7 %. Pour pouvoir assurer des durées de campagne de 24 mois, il serait nécessaire de recourir à des recharges comportant un très grand nombre d’assemblages neufs (peut-être associées à quelques assemblages ne réalisant qu’un seul cycle  d’irradiation au réacteur) au détriment du niveau de l’utilisation du combustible.


Cohérence du cycle du combustible

La stratégie du cycle du combustible en France repose sur le traitement des combustibles à l’uranium naturel enrichi irradié à La Hague afin de récupérer les matières valorisables que sont l’uranium de retraitement et le plutonium (voir figure 3). L’uranium de retraitement et le plutonium sont ainsi recyclés dans les réacteurs existants via des assemblages à l’uranium de retraitement enrichi ou des assemblages MOX (oxyde mixte de plutonium et d’uranium). Ce recyclage est un objectif qui se poursuivra dans la  durée.

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Par Marie Moatti, déléguée Sûreté et économie du combustible, EDF-DCN