10/10 – Tech4Graphite : le démantèlement 4.0 des réacteurs modérés au graphite
Le projet Tech4Graphite de Graphitech, co-entreprise créée par EDF et Veolia en 2019, vise à développer des outils téléopérés et numériques afin de démanteler les réacteurs de technologie graphite, en France et à l’international.
La société Graphitech, regroupant une trentaine de personnes à Lyon et à Chinon, est née de l’association des compétences d’ingénierie de démantèlement d’EDF et de robotique en environnement nucléaire de Veolia. Le projet Tech4Graphite, sélectionné dans le cadre de France Relance, vise à développer l’ensemble des outils nécessaires pour le démantèlement des réacteurs modérés au graphite, une technologie différente du parc nucléaire français actuel.
Les réacteurs au graphite
Un réacteur dit « au graphite » utilise ce minéral de carbone comme modérateur, c’est-à-dire comme ralentisseur de neutrons, un processus nécessaire pour entretenir une réaction en chaîne efficace. Ces réacteurs ont constitué, dans la plupart des cas, la première génération de réacteurs nucléaires des pays pionniers (Royaume-Uni, France et Russie). Ils présentaient l’avantage de pouvoir être chargés et déchargés sans arrêt du réacteur, de fonctionner avec de l’uranium naturel (non enrichi) et de ne pas avoir recours à l’eau lourde, qu’il était alors difficile de se procurer. Plusieurs filières de ces réacteurs ont été développées dans le monde et se distinguent par le caloporteur retenu : le dioxyde de carbone (CO2) pour les filières française (UNGG1), et britannique (Magnox/AGR2), l’eau légère pour la technologie, à l’époque, soviétique (RBMK).
Et pour finir, l’hélium fut choisi comme caloporteur pour les réacteurs à haute température (HTGR) situés en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. On compte environ 80 réacteurs au graphite dans le monde dont une trentaine sont encore en fonctionnement, au Royaume-Uni (AGR) et en Russie (RBMK). La France compte neuf de ces réacteurs dont le dernier a été arrêté en 1994 (Bugey-1) : trois du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) (G1, G2, G3) et six d’EDF. EDF est en charge du démantèlement de ces six derniers et s’appuie sur sa filiale dédiée Graphitech. « Les réacteurs au graphite sont compacts et contiennent environ vingt fois plus de matériels et de matériaux activés que les réacteurs du parc actuel3, ce qui complique leur démantèlement », explique Philippe Lefèvre, chef du projet Démonstrateur industriel graphite (EDF).« Parmi la cinquantaine de réacteurs arrêtés, seulement deux de petites dimensions ont été complètement démantelés : Fort Saint- Vrain aux États-Unis et Windscale en Grande-Bretagne. Les six réacteurs d’EDF dont nous parlons sont sur une tout autre échelle. Leur géométrie et leurs dimensions demandent le déploiement de nouveaux outils industriels. »
À titre de comparaison, la cuve d’un réacteur à eau pressurisée mesure un peu moins de 15 mètres de haut, pour 5 mètres de diamètre et 417 tonnes avec les éléments internes alors que le caisson d’un réacteur UNGG comme celui de Chinon A2 mesure 30 mètres de haut pour un diamètre de 25 mètres et un poids de 4 400 tonnes !
Une stratégie de démantèlement mise à jour
Les démantèlements des six réacteurs situés à Chinon (A1, A2, A3), à Saint-Laurent-des-Eaux (A1, A2) et au Bugey (Bugey-1) ont déjà concerné les bâtiments conventionnels, tels que les salles des machines, et certains matériels situés à la périphérie des caissons béton renfermant le coeur du réacteur. En 2015, EDF a exposé à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) une nouvelle méthode pour le démantèlement des caissons. Alors qu’au départ un démantèlement sous eau, à distance et en vision directe, était envisagé, EDF prévoit désormais des opérations sous air, à distance et en vision indirecte. La nouvelle stratégie, validée par l’ASN en 2020, repose sur les progrès technologiques et le développement de solutions téléopérées permettant notamment de limiter l’exposition radiologique des opérateurs. Le planning général de déconstruction des réacteurs UNGG proposé par EDF s’appuie sur une démarche de maîtrise progressive des risques au travers des séquences suivantes : une phase de développement technologique conduite par EDF et sa filiale Graphitech dans un centre d’essai dédié ; le démantèlement du réacteur tête de série de Chinon A2 à partir de 2030 ; puis, enfin, le démantèlement des cinq autres réacteurs UNGG. « Le démonstrateur industriel à Beaumont-en-Véron, à côté de la centrale de Chinon, consiste en un centre d’essai qui sera notamment équipé de moyens téléopérés préfigurant les machines qui seront utilisées sur les réacteurs », détaille Philippe Lefèvre. La construction a débuté en septembre 2020 et le début des essais est prévu en juin 2022. C’est dans ce cadre que Graphitech a déposé un dossier pour bénéficier du plan France Relance.
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