1/10 – Les SMR, nouvelle vitrine de l’énergie nucléaire ?
États, personnalités politiques, et même des associations écologistes portent un certain intérêt pour les petits réacteurs modulaires (SMR). Comment l’expliquez-vous ?
Redouane Seraoui : Le secteur de l’énergie devra faire face à des enjeux majeurs d’ici 2030, notamment celui de la décarbonation pour accompagner la dynamique d’électrification des usages. De nombreux États n’hésitent plus à se tourner vers le nucléaire pour lutter contre le dérèglement climatique.
Le nucléaire permet une production d’électricité sans CO2, à coûts stables, adaptable aux évolutions journalière et annuelle de la demande, qui peuvent être notamment le fruit d’une injection d’énergies renouvelables sur le réseau électrique. Cette énergie constitue également un gage d’indépendance énergétique vis-à-vis des principaux producteurs de gaz ou de pétrole.
Les SMR, présentés dans les médias comme un des avenirs possibles du nucléaire, en complément des réacteurs à forte puissance, séduisent un nombre croissant de politiques et d’associations écologistes. Les SMR contribuent à l’innovation technologique qui modernise l’image du nucléaire et ils répondent aux aspirations contemporaines : c’est une technologie qui vise à la simplification et la standardisation, pour faciliter la fabrication et offrir ainsi une solution supplémentaire dans la lutte contre le changement climatique, donnant de surcroît la possibilité de limiter les investissements associés à la modernisation des réseaux électriques existants et remplacer progressivement des centrales à énergie fossile.
En outre, pour des pays émergents ne possédant pas leur propre technique nucléaire, les SMR présentent un intérêt en réduisant les plannings de construction par rapport à des réacteurs de forte puissance, mais aussi en diminuant la somme initialement investie, grâce à la commande d’un petit réacteur au coût plus faible que le réacteur à forte puissance. Indépendamment du cout fi nal du KWh, l’investissement initial est plus facile à engager avec un résultat espéré plus rapide.
La France, au travers d’un consortium d’entreprises, a son projet de SMR baptisé NuwardTM. Parmi tous les projets qui fleurissent dans le monde, en quoi peut-il tirer son épingle du jeu ?
Redouane Seraoui : La filière française, qui rappelons-le, maîtrise la filière des réacteurs à eau pressurisée depuis des décennies, a décidé de mettre à profit ses atouts pour proposer un concept performant de SMR et saisir ces nouvelles opportunités de développement international.
Les premiers travaux ont été engagés il y a plus de dix ans entre quatre partenaires (EDF, CEA, Naval Group et TechnicAtome) et ont abouti, à l’émergence d’un produit SMR, la centrale NuwardTM. Ce SMR allie le savoir-faire du CEA en matière de recherche et de qualification de nouvelles technologies, l’expérience d’architecte-ensemblier et d’exploitant d’EDF, celle de Naval Group pour ce qui concerne les structures modulaires, et l’expertise de TechnicAtome relative à la conception de réacteurs compacts. L’enjeu est de créer un produit simple et sûr, construit en modules en usine, et pouvant être exporté vers différents pays sans modifications fondamentales de conception, afin d’assurer un effet de série et apporter une solution compétitive, parmi d’autres projets internationaux.
Quels sont les défis à relever pour la filière française mais aussi pour les autres concepteurs se lançant dans la course aux SMR ?
Redouane Seraoui : Les acteurs impliqués dans l’aventure doivent relever plusieurs défis, dont celui de la compétitivité, en misant sur des designs plus simples et standardisés, de manière à produire des modules en usine et réduire la durée des chantiers. Ainsi, ils pourront bénéficier d’effets de série pour compenser la perte d’économies d’échelle recherchées dans les unités de forte puissance. Pour ce qui est du projet de SMR français, a minima, deux points restent à approfondir afin de concrétiser les ambitions sur ce marché émergent à l’international :
↦ la réalisation, sur le territoire français, d’un démonstrateur directement exportable. C’est une condition de réussite pour acquérir une première expérience, faciliter le positionnement des industriels de la filière française et disposer d’une centrale de référence à visibilité internationale ;
↦ un alignement stratégique avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), à la fois pour sécuriser la réalisation d’un démonstrateur en France et pour se coordonner avec les autres autorités de sûreté. Cette dimension est d’autant plus importante que l’autorité de sûreté américaine, la NRC, a clairement pris le leadership occidental pour la définition du référentiel standard de régulation pour le marché SMR.
Avec les SMR, ce sont aussi de nouveaux usages qui sont rendus possibles ?
Redouane Seraoui : Les SMR auront la vocation d’approvisionnement en électricité des sites isolés mais pas seulement. L’intérêt porte aussi sur ses autres fonctionnalités pour répondre au monde de demain : chauffer les villes et les usines, produire de l’eau douce par dessalement de l’eau de mer, favoriser la cogénération nucléaire, décarboner la production d’hydrogène et de carburants de synthèse.