Y-a-t'il un risque de pénurie d'uranium ?

Va-t-on vers une rupture de stock sur le marché mondial de l’uranium ? Ce combustible qui alimente les 440 réacteurs nucléaires en exploitation dans le monde va-t-il bientôt manquer et entraîner ainsi un ralentissement puis un arrêt de l’énergie nucléaire ?
L’inventaire annuel montre que les réserves de ce métal sont suffisamment abondantes pour permettre un développement durable du nucléaire, tout au long du 21e siècle et au-delà.
Selon l’AIEA qui fait référence dans ce domaine, les ressources mondiales identifiées sont de plus de 5,9 millions de tonnes, soit l’équivalent d’un siècle de consommation au rythme actuel. Ces ressources ont été régulièrement révisées à la hausse ces dernières années car les campagnes de prospection se multiplient, découvrant de nouveaux gisements.
Il faut ajouter à ce chiffre les « ressources supplémentaires estimées », celles dont les études démontrent l’existence, évaluées à 10,6 millions de tonnes, et dont la mise à jour ne fait guère de doute. Au total, avec ces 16 millions de tonnes d’uranium dont la disponibilité semble pratiquement acquise la durée de fonctionnement du parc nucléaire mondial au rythme actuel de consommation est de plus de 2 siècles. Précisons que ces chiffres découlent de réserves dont l’exploitation est estimée à moins de 130 dollars le kilo. Si l’on portait conventionnellement ce prix à 200 dollars le kilo, par exemple, le montant global des ressources estimées serait nettement supérieur aux 16 millions de tonnes annoncées…et la durée de fonctionnement du parc en serait allongée d’autant.
Soulignons également que la production effective d’uranium est dans la période actuelle de l’ordre de 57 000 tonnes/an. Les quelque 10 000 tonnes manquantes pour fournir chaque année la totalité du parc nucléaire proviennent de ce que l’on appelle les « sources secondaires », soit principalement la reconversion d’une partie des stocks militaires russes et américains et le déstockage de réserves accumulées par les compagnies d’électricité. Ces sources vont progressivement diminuer dans la période à venir, mais elles auront eu pour effet de limiter les prélèvements sur les ressources « en terre ».
Au cas où le parc nucléaire mondial se développerait, les consommations annuelles d’uranium s’afficheront bien sûr à la hausse. On pourrait y faire face de plusieurs manières : en intensifiant la prospection, car il y a de toute évidence d’importantes réserves d’uranium non encore identifiées ; en récupérant l’uranium dans les phosphates, où il est présent en quantités importantes : on estime à environ 22 millions de tonnes l’uranium ainsi récupérable (estimation du Département de l’Energie des Etats-Unis) ; en extrayant l’uranium de l’eau de mer, mais cela est plus problématique.
Le recours à un autre élément naturel, le thorium, est également théoriquement possible pour alimenter un parc nucléaire. Le thorium n’est pas lui-même fissile, mais dans le cœur d’un réacteur il peut se transformer, par capture d’un neutron, en uranium 233 fissile. Quelques pays réfléchissent à l’utilisation de ce combustible, dont l’Inde qui en possède des réserves très importantes. Une caractéristique intéressante des réacteurs au thorium est que les résidus produits contiennent une quantité plus faible d’actinides mineurs et ne produisent pas de plutonium, ce qui est un avantage dans la gestion à long terme des déchets radioactifs. Cependant sa maturité industrielle ne pourra être atteinte que d’ici 20 à 30 ans si les efforts adéquats sont déployés.
Mais lorsque l’on parle de l’uranium et de sa durabilité, un point capital est à noter : dans les réacteurs de 4e génération, qui devraient être développés industriellement à partir des années 2040, l’uranium sera utilisé avec un rendement environ 60 fois supérieur. Cela signifie que les ressources d’uranium aujourd’hui identifiées seront multipliées par 60 et pourront ainsi alimenter un grand parc nucléaire mondial de réacteurs à neutrons rapides pendant plusieurs milliers d’années. Ces évaluations, qui peuvent sembler pour le moment théoriques, reflètent cependant une réalité : celle de la durabilité du nucléaire – que l’on pourrait légitimement classer dans la catégorie des énergies renouvelables – fondée sur le double acquis des réserves de combustible et de la technologie.
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