La Suède, miroir scandinave du modèle vert français - Sfen

La Suède, miroir scandinave du modèle vert français

Publié le 22 janvier 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Véritable modèle dans la lutte contre le changement climatique, le mix électrique suédois est équilibré entre nucléaire et énergies renouvelables. Il n’a pas d’équivalent au nord de l’Union européenne. Comme en France, le nucléaire a pourtant pâti d’un manque de reconnaissance. Mais, là-bas aussi, les choses évoluent.

Avec 42,2 % de la production d’électricité en 2016, juste devant l’hydroélectricité (41,6 %), et loin devant l’éolien (7,3 %) et la biomasse, le nucléaire occupe une place centrale en Suède, assurée par huit réacteurs répartis dans trois centrales. Ce mix électrique, décarboné à plus de 90 %, se rapproche dans l’Union européenne de celui de la France, et en Europe de celui de la Suisse (33 % de nucléaire et 59 % d’hydraulique). Sans posséder le formidable potentiel hydroélectrique de son voisin norvégien, ce pays de dix millions d’habitants figure ainsi parmi les pays les plus vertueux au monde d’un point de vue environnemental et climatique.

Harmonie entre développement et environnement

Un temps éclipsé par le mirage de la transition énergétique allemande, le modèle climatique du voisin suédois revient au grand jour, avec des enseignements riches à la clef. Une récente publication [1] de l’ONG Environmental Progress explique et compare le succès de la décarbonisation du pays nordique. Sur les périodes de onze ans retenues dans la décarbonation d’un panel de pays, la Suède occupe la première position. Entre 1976 et 1986, période marquée par le démarrage de ses réacteurs nucléaires, le pays a apporté sept fois plus d’électricité décarbonée que l’Allemagne avec le solaire et l’éolien entre 2004 et 2014.

Taxes et défiances politiques

Pourtant, le nucléaire suédois a rapidement été confronté à un manque de soutien, voire une hostilité politique. Jusqu’en 2009, la Suède avait d’ailleurs dans sa politique l’objectif d’arrêter le nucléaire à l’horizon 2010 [2]. Dès la fin des années 1990, le gouvernement imposait également une taxe sur la capacité nucléaire, augmentée à plusieurs reprises jusqu’en 2015. À son pic, elle représentait un quart des coûts d’exploitation des centrales suédoises. En 2016, l’opérateur Vattenfall estimait en conséquence qu’aucun de ses réacteurs n’était rentable. Cette même année, un accord entre le gouvernement et les industriels a décidé de la fin de la taxe pour 2019. En corollaire, le gouvernement a affiché l’ambition d’un mix 100 % renouvelables à l’horizon 2040 [3].

Malgré cette réorientation politique, le mal était fait. Faute de rentabilité, le réacteur Oskarshamn 2 n’a pas été modernisé et a été définitivement fermé en 2015 et Oskarshamn 1 a délivré son dernier kWh en juin 2017. Pour la même raison, la fermeture des réacteurs Ringhals 1 et 2 a été décidée pour 2019 et 2020.

Rien n’est encore déterminé

Début décembre 2017, l’opérateur du réseau électrique suédois, Svenska Krafnat, a estimé que l’arrêt des réacteurs nucléaires faisait courir à terme un risque de blackout pour le pays, dans un contexte d’augmentation de la demande. Un risque renforcé à partir de 2040, quand la quasi-totalité des réacteurs cesseront d’être exploités. En effet, la Suède a la particularité d’avoir une production électrique géographiquement marquée : au nord l’hydroélectricité, au sud le nucléaire. Si une partie du problème peut être résolue par la mise en service dans les années 2020 de l’interconnexion Hansa PowerBridge de 700 MW avec l’Allemagne, celle-ci aura pour conséquence d’augmenter mécaniquement le bilan carbone de la Suède, le mix électrique allemand étant l’un des plus pollués d’Europe. Une autre solution viendrait aussi d’un approvisionnement croissant avec la Finlande voisine, dont la part nucléaire va, à l’inverse, significativement croître dans les prochaines années. La fermeture progressive des réacteurs suédois pourrait également avoir des conséquences sur la Norvège voisine, laquelle compte sur l’approvisionnement électrique de son voisin quand son hydroélectricité ne suffit plus.

La solution, qui reste ouverte, serait de construire de nouveaux réacteurs, comme la loi le permet depuis 2010 [4], sous condition qu’ils remplacent ceux arrêtés et sur les mêmes sites.


The Power to Decarbonize, Characterizing the Impact of Hydroelectricity, Nuclear, Solar, and Wind on the Carbon Intensity of Energy ». Environmental Progress.

« Sweden reverses its nuclear phase out. » février 2009. World Nuclear News.

http://nordic.businessinsider.com/sweden-is-to-use-100-renewable-energy-by-2040—but-no-expiration-date-has-been-set-for-nuclearenergy-2016-6/

https://sweden.se/society/energy-use-in-sweden/


Par Tristan Hurel, SFEN

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