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PPE : découvrez le cahier d’acteur de la SFEN

Publié le 18 juin 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Pour parvenir à la neutralité carbone en 2050, tout en répondant aux préoccupations économiques et sociales des Français, la transition énergétique peut s’appuyer sur la filière nucléaire pour produire une électricité bas carbone.

 
 

Faire de la France un des leaders mondiaux de la lutte contre le changement climatique

1. Cibler les actions les plus efficaces pour réduire les émissions de CO2

La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte prévoyait une pluralité d’objectifs – parfois difficilement conciliables. Depuis l’élaboration du plan Climat, le Gouvernement a placé l’enjeu climatique comme la première des priorités de la transition énergétique, avec l’objectif de faire de la France un pays neutre en carbone en 2050.

L’énergie nucléaire est reconnue par le GIEC comme une source d’énergie bas-carbone, avec des émissions comparables à celles des renouvelables. Grâce à la complémentarité entre nucléaire et renouvelables, la production électrique française est déjà décarbonée à plus de 90 %, faisant de l’Hexagone le pays le moins émetteur des membres du G7 par habitant.

Le débat sur la transition énergétique est souvent réduit au seul secteur électrique et à une opposition entre l’énergie nucléaire et les renouvelables.

D’importants efforts sont engagés pour chercher à décarboner autrement un secteur électrique déjà décarboné, plutôt que de se focaliser sur la réduction de la consommation d’énergies fossiles (gaz, charbon et pétrole). Celles-ci, principales sources de gaz à effet de serre, continuent de représenter 70 % de notre consommation énergétique, principalement dans les secteurs du transport et de l’habitat.

Cette politique montre ses limites : pour la troisième année consécutive [1], les émissions françaises ont augmenté en 2015, en 2016 et en 2017, en décalage avec la trajectoire fixée par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC).


La France doit mener dès maintenant une réflexion sur le renouvellement d’une partie de son parc nucléaire.


Précipiter la fermeture de capacité pilotable et bas-carbone, comme le nucléaire, peut aller à l’encontre des objectifs climatiques. Dans son Bilan prévisionnel 2017, RTE a montré que réduire la part du nucléaire à 50 % en 2025 nécessiterait la fermeture forcée de 23 à 27 réacteurs, et le maintien des centrales au charbon actuelles au-delà de 2025 et la construction d’une vingtaine de nouvelles centrales au gaz. Cela entraînerait une hausse de 38 à 55 millions de tonnes des émissions CO2 par an, équivalent aux deux tiers des émissions de CO2 du parc automobile français [2].

L’électricité bas-carbone française est un atout pour réussir la transition énergétique : elle offre des solutions pour de nombreux usages quotidiens où la consommation de pétrole et de gaz est encore forte (transports et habitat).

2. Ancrer concrètement la transition énergétique dans les préoccupations économiques et sociales des Français

Les études d’opinion montrent qu’en matière d’énergie, le premier sujet qui intéresse les Français est d’abord son coût. La France bénéficie, grâce au nucléaire, d’un des prix de l’électricité les plus bas d’Europe : un ménage allemand paie son électricité 70 % plus cher qu’un ménage français. Pour les entreprises aussi, les prix de l’électricité sont inférieurs de 25 % à la moyenne européenne, ce qui constitue un facteur-clé d’attractivité des territoires.

La transition énergétique doit aussi se concrétiser dans des filières industrielles fortes, à emploi très qualifié, génératrices de propriété intellectuelle, et exportatrices. Troisième filière industrielle de France, le nucléaire emploie plus de 220 000 professionnels répartis dans 2 600 entreprises (80 % de PME et de microentreprises) [3]. Les emplois sont hautement qualifiés et non délocalisables : 2/3 des effectifs sont cadres ou techniciens qualifiés, une proportion deux fois plus forte que la moyenne de l’industrie. Parce qu’elle maîtrise l’ensemble de la chaîne de production (incluant la construction des installations), la filière nucléaire capte une très grande proportion des emplois et n’est tributaire d’aucun savoir-faire technologique ni industriel étranger. La filière nucléaire exporte chaque année pour 6 milliards d’euros de biens et services.

3. Elargir la réflexion

– Penser les temps longs : la PPE s’inscrit dans une trajectoire de décarbonation française (SNBC) de long terme, fixée à 2050. Les centrales nucléaires sont conçues pour être exploitées pendant 60 ans. Comprendre le rôle de l’énergie nucléaire dans la décarbonation de l’économie et la nécessité de renouveler le parc implique donc de se projeter à cet horizon.


Le pays est de nouveau en capacité de construire, et doit garder maintenant la maîtrise de compétences stratégiques nécessaires au renouvellement de son parc.


– Intégrer la dimension européenne : avec le développement des interconnexions, la question du mix électrique ne peut plus être abordée au seul échelon national, mais à la maille européenne. La France est, par sa position géographique, au centre du système électrique de l’Europe de l’Ouest, et échange de manière continue jour et nuit avec ses voisins, pour un solde exportateur net correspondant aujourd’hui à environ 10 % de sa production.

– Appréhender le système énergétique dans son ensemble : l’électricité décarbonée est aujourd’hui reconnue par tous les organismes internationaux comme un des moyens les plus efficaces et une solution indispensable pour décarboner tous les secteurs de l’économie, via les transferts d’usages.

Le nucléaire permet de parer aux incertitudes et de piloter au mieux la diversification du mix électrique français

La France est amenée à diversifier son mix électrique à mesure du développement des énergies renouvelables, du stockage, et des solutions de « smart grids », des solutions qui répondent à une demande sociétale.

Le rythme de diversification dépendra de plusieurs facteurs qu’on ne peut aujourd’hui prévoir, comme l’évolution des performances techniques et économiques des différentes technologies, mais aussi :

– de l’évolution de la demande d’électricité. Celle-ci est d’autant plus difficile à prévoir qu’elle conjugue deux effets contraires : les efforts d’efficacité énergétique et l’électrification des usages pour se substituer au pétrole et au gaz. Ainsi, après de nombreuses années de stagnation, liées au ralentissement de la croissance et à la désindustrialisation, la consommation d’électricité est légèrement repartie à la hausse (+0,2 % en 2017) [4]. Or, les besoins en capacité de production pilotable, à l’horizon 2030, sont très sensibles à une augmentation légère et continue de la consommation.

– des stratégies de nos voisins européens. Quatre pays voisins – l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique et la Suisse – n’ont pas de stratégie claire sur les nouveaux moyens pilotables et bas-carbone qui seront nécessaires pour se substituer à leur parc nucléaire actuel. Ceci laisse penser qu’ils auront besoin d’importer une plus grande part de leurs besoins, de France notamment.

– du rythme de déploiement des nouveaux moyens de production et des infrastructures réseau. En Allemagne, les retards sur le calendrier de déploiement des lignes à haute tension font peser des menaces sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la Bavière [5]. Le Länder vient de demander le report de la fermeture d’une centrale nucléaire. De manière générale, l’histoire a montré que l’évolution du secteur énergétique est difficile à prévoir : le premier choc pétrolier dans les années 70 ou l’arrivée du gaz de schiste dans les années 2000 ainsi n’avaient pas été anticipés. Il est prudent de garder la flexibilité que nous offre le parc nucléaire pour nous adapter aux circonstances à venir, et ne pas prendre de décisions rigides a priori sur des fermetures anticipées de réacteurs nucléaires.


La France devra viser la construction d’une quinzaine de réacteurs EPR entre 2030 et 2050, au rythme d’une à deux paires tous les 5 ans.


Les scénarios étudiés par la SFEN [6] montrent que, plus la diversification est lissée dans le temps, moins le coût de la transition sera important en termes d’investissements sur de nouvelles installations de production ou sur l’adaptation des réseaux de transport et de distribution d’électricité. Avec un coût de production à 33€/MWh (qui comprend les investissements nécessaires à une exploitation au-delà de 40 ans), le parc nucléaire français actuel est le moyen le plus compétitif pour produire de l’électricité dans les années à venir. Déjà amorti, il restera moins coûteux que n’importe quel nouveau moyen de production, quel qu’il soit.

Au-delà de son coût de production très compétitif, le parc nucléaire français fonctionne 24h/24. Loin d’être un frein à l’essor des renouvelables, il permet par sa flexibilité – un réacteur peut moduler sa puissance de 80 % en trente minutes – d’accompagner le développement des énergies renouvelables intermittentes, un rôle joué dans d’autres pays par les centrales à gaz. Mais surtout, il permet de garantir la sécurité d’approvisionnement du pays.

Enfin, l’évolution du parc nucléaire doit intégrer les enjeux de la filière de recyclage des combustibles nucléaires, au coeur d’une gestion responsable des ressources. Aujourd’hui, 10 % de l’électricité française est produite à partir de matières nucléaires recyclées.

Le savoir-faire de la France dans ce domaine est reconnu mondialement.

A l’horizon 2050, la France aura besoin d’un socle nucléaire. Elle doit réfléchir dès maintenant à sa stratégie pour renouveler une partie de son parc

Entre 2030 et 2050, la France devra renouveler progressivement une partie de son parc nucléaire actuel par de nouveaux moyens de production. Si des progrès techniques et économiques sont attendus, d’importantes incertitudes subsistent concernant la faisabilité, la robustesse, le coût, ou encore les limites exactes d’un système reposant en très grande partie, voire exclusivement, sur des énergies renouvelables intermittentes associées à du stockage, du biogaz et/ou des énergies fossiles avec capture et séquestration de carbone dans le sous-sol. A l’horizon 2050, les scénarios européens suggèrent une forte croissance de la part des renouvelables dans le mix électrique français, mais aussi un besoin d’au moins 40 GWe de nucléaire en France et 70 GWe dans le reste de l’Union européenne.

Sauf à prendre des paris risqués sur les plans climatique (ouverture de nouvelles capacités de centrales à gaz, entraînant une augmentation des émissions de CO2) et économique (hausse des coûts de production de l’électricité et des importations de gaz), la France doit mener dès maintenant une réflexion sur le renouvellement d’une partie de son parc nucléaire.

La France devra viser la construction d’une quinzaine de réacteurs EPR entre 2030 et 2050, au rythme d’une à deux paires tous les 5 ans. Une mise en service en 2030 nécessite qu’une décision soit prise avant 2020. Une absence de décision, ou une décision partielle (ne lancer qu’une seule paire), aurait des conséquences lourdes sur le tissu industriel de la filière nucléaire, essentiellement composé de PME et de microentreprises.


A l’horizon 2050, les scénarios européens suggèrent une forte croissance de la part des renouvelables dans le mix électrique français, mais aussi un besoin d’au moins 40 GWe de nucléaire en France.


Si les premiers chantiers EPR ont connu des difficultés, celles-ci sont en passe d’être surmontées : l’EPR de Taishan 1 (Chine) a démarré début juin. Ces chantiers ont permis de revitaliser une chaîne industrielle française qui avait perdu en compétence après 15 ans sans nouvelle construction. Le pays est de nouveau en capacité de construire, et doit garder maintenant la maîtrise de compétences stratégiques nécessaires au renouvellement de son parc.

La SFEN appelle l’Etat à organiser dès maintenant une réflexion stratégique permettant de comprendre quel programme industriel la France doit mettre en oeuvre pour renouveler le parc aux meilleurs conditions économiques, et garantir un coût de production compétitif.

Il s’agira de se comparer non pas à l’éolien ou au solaire, mais à des moyens de production pilotables, soit principalement des centrales à gaz. EDF a déclaré viser ainsi un objectif de 60 à 70€ par MWh.

A l’instar de l’expérience de la construction du parc actuel, de nombreuses pistes existent pour diminuer le coût de l’investissement initial, principale composante du coût de production futur. La construction de réacteurs par paire sur un même site génère déjà des économies de 15 %. Un bon cadencement des chantiers permettrait aux entreprises de calibrer leurs investissements dans leurs outils industriels et leurs recrutements.

Les études montrent aussi la forte sensibilité du coût de l’investissement initial aux conditions de financement des projets. La Cour des comptes britannique suggère d’ailleurs une meilleure répartition des rôles entre les pouvoirs publics et les acteurs industriels, qui pourrait être mise en oeuvre dès le prochain projet de construction sur le site de Wylfa (Pays de Galles).

Au-delà du renouvellement du parc, la France devra s’assurer de la maîtrise technologique sur les réacteurs du futur qui arriveront à maturité au-delà de 2050.


MEDDE

Chiffres clés de l’environnement Édition 2016 (MEDDE)

Cartographie de la filière nucléaire française – CSFN, 2016

RTE 2018

www.cleanenergywire.org

Le nucléaire français dans le système énergétique européen – SFEN (2018)


Par la rédaction

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