Les enjeux de la fermeture du réacteur Osiris - Sfen

Les enjeux de la fermeture du réacteur Osiris

Publié le 30 août 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Situé sur le plateau de Saclay en région parisienne, et exploité par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), le réacteur Osiris est l’un des neuf réacteurs nucléaires au monde à produire le technétium 99m, radioélément essentiel à la médecine pour la réalisation d’imageries médicales.

Exploité depuis plus de 40 ans, le réacteur pourrait être fermé en fin 2015. Une décision qui entraînerait une pénurie de technétium 99m et réduirait la possibilité de réaliser ces examens de dépistage et de suivi de maladies graves. Pour éviter un tel scénario, les professionnels de la santé et les syndicats plaident pour qu’Osiris puisse être exploité jusqu’en 2018 date à laquelle un nouveau réacteur sera mis en service pour prendre sa relève.

 

Osiris produit le technétium 99m, radioélément indispensable à l’imagerie médicale

Le technétium 99m permet de réaliser les diagnostics des cancers ou des pathologies osseuses. Il est utilisé dans 75 % des examens et dans tous les domaines : de la neurologie, à la rhumatologie en passant par la gynécologie. Une fois injecté dans le corps du patient, ce radioélément se fixe sur l’organe que l’on souhaite examiner et, grâce à son rayonnement, permet d’apporter des renseignements sur l’état de l’organe. A ce jour, il n’existe aucun élément permettant de se substituer à grande échelle et à des coûts raisonnables au technétium 99m. Selon l’Académie de médecine, chaque année près de 30 millions d’examens sont réalisés dans le monde à l’aide de ce radioélément, dont 8 millions en Europe et un million en France.

Essentiel pour l’imagerie médicale, le technétium 99m n’intervient cependant pas dans le traitement des maladies qu’il aide à examiner.

 

12 % de la demande mondiale en technétium 99m est assurée par le réacteur Osiris

Le technétium 99m est actuellement produit par neuf réacteurs dans le monde. Cinq d’entre eux assurent la production de 90 à 95 % de la demande mondiale. Osiris est l’un de ces réacteurs et fournit jusqu’à 12 % de la demande totale.

En mai 2013, afin de répondre à la demande de technétium 99m, le CEA a augmenté sa production permettant la réalisation de 300 000 examens médicaux. Plus largement, Osiris a assuré depuis le début de l’année une production record sur cinq mois équivalente à 1,2 million d’examens.

Les cinq plus importants réacteurs sont tous exploités depuis plus de 40 ans. Pour pouvoir être exploités dans la durée, ces réacteurs doivent être mis à l’arrêt pour bénéficier de travaux de maintenance. L’arrêt du fonctionnement du réacteur entraîne un arrêt de la production du technétium 99m qui déséquilibre la demande mondiale faisant courir le risque d’une pénurie à grande échelle. 

 

L’Académie de médecine alerte sur les risques de pénurie entre 2016 et 2018

L’arrêt de l’exploitation du réacteur Osiris intervient dans un contexte tendu : le réacteur canadien NRU sera fermé en 2016, alors que le réacteur belge sera arrêté pour maintenance pendant dix-huit mois de 2015 à 2016. Des facteurs exogènes et incompressibles pour l’Académie de médecine qui prévient qu’ « une période de pénurie est certaine de 2016 à 2018 ». Dans ce contexte, la fermeture d’Osiris viendrait aggraver une situation déjà compliquée. 

Les professionnels de la santé ont déjà subi plusieurs pénuries de technétium 99m. En 2008, alors que les réacteurs belge et français étaient à l’arrêt pour des travaux de maintenance, un incident s’est déclaré dans le réacteur de Petten aux Pays-Bas (lequel assure 60 % de l’approvisionnement en technétium 99m de l’Europe) entraînant une réduction de l’approvisionnement du radioélément. De sorte que pendant plusieurs semaines, les services de santé étant impactés, les patients n’ont pu bénéficier des examens nécessaires. 

Autre exemple, en 2009 au Canada, après la fermeture du réacteur nucléaire de Chalk River dans l’Ontario, la raréfaction du technétium 99m est à l’origine d’une diminution de 22 % des interventions en médecine nucléaire, soit environ 12 000 examens en moins chaque mois.

Le risque sanitaire est donc avéré. Pour l’éviter, Osiris pourrait continuer à être exploité jusqu’à ce que son « héritier », le réacteur Jules Horowitz (RJH) soit mis en marche à Cadarache (date prévue entre 2018 et 2020), et puisse à son tour produire le technétium 99m essentiel à la médecine. 

 

La décision du ministère de la recherche se fait attendre

Pour pouvoir continuer l’exploitation d’Osiris, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) souhaite que le niveau de sûreté du réacteur soit renforcé et que le CEA procède à des travaux de « jouvence ». Ainsi, l’ASN envisageait-elle pendant un temps qu’Osiris puisse résister à des événements extrêmes comme des séismes. 

Si les exigences de l’ASN se comprennent pour les réacteurs de puissance – comme les 58 qui sont actuellement exploités en France par EDF -, il n’en est pas de même pour les réacteurs de recherche comme Osiris où les enjeux de sûreté sont de nature différente. Par exemple, dans le cadre d’un accident, le délai d’intervention pour palier à une éventuelle perte du système de refroidissement est de quelques heures pour un réacteur de puissance alors que pour un réacteur de recherche celui-ci est d’une dizaine de jours.

Pour continuer à produire le technétium 99m, des investissements de l’ordre de 5 et 10 millions d’euros par an devraient être engagés pour réaliser les travaux de jouvence sur le réacteur Osiris. Une décision qui ne relève pas de l’exploitant du réacteur, le CEA, mais de sa tutelle, le ministère de la Recherche.  

Publié par Boris Le Ngoc

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