Il a commencé par rappeler que pour contenir le réchauffement en dessous de 1,5°C d’augmentation par rapport au niveau pré-industriel, le monde devrait parvenir à la neutralité carbone en seulement quelques décennies, nécessitant un effort considérable de réduction des émissions.
Pour ce faire un « large portefeuille d’options d’atténuation serait nécessaire, ainsi qu’un très large accroissement de l’investissement dans ces options ». Réduire les émissions dans le secteur énergétique, si dépendant des énergies fossiles depuis plus de cent ans, nécessiterait trois grandes stratégies conjointes : des efforts d’efficacité énergétique, l’électrification des usages et la décarbonation de l’électricité.
Cet état des lieux posé, le président du GIEC en est venu à détailler plus spécifiquement les travaux sur le nucléaire. Sur la base des 21 modèles disponibles, le GIEC a étudié 85 trajectoires permettant de contenir la hausse de la température globale à 1,5°C à l’horizon 2100. Ces trajectoires présupposent un effort important en termes d’efficacité énergétique, ainsi qu’un doublement de la part de l’électricité dans l’énergie totale (de 19 % en 2020 en valeur médiane à 43 % en 2050). À noter : le nucléaire contribue aux efforts de décarbonation de l’électricité dans la très grande majorité des 85 trajectoires.
Les variations entre les différentes trajectoires sont importantes, allant d’une diminution jusqu’à une multiplication de la production nucléaire par dix. Ces variations sont principalement dues aux incertitudes sociétales mais aussi à des différences de prise en compte des futurs développements technologiques possibles : ainsi, moins d’un tiers des 21 modèles utilisés incluent par exemple les Small Modular Reactor (SMR), ou la possibilité pour le nucléaire de générer de la chaleur bas carbone. Et le président du GIEC de rappeler qu’en tout état de cause « le temps presse. La part du nucléaire dans le futur mix dépendra de la vitesse à laquelle la technologie peut être déployée.
De toute évidence, nous ne savons pas et ne pouvons pas savoir quelles technologies seront disponibles au cours des trente prochaines années et quelles en seront les performances ».
Pour le président du GIEC, le nucléaire doit relever deux principaux défis : la compétitivité par rapport aux autres technologies non fossiles, et l’accélération de son rythme de déploiement. Et de conclure devant l’assemblée : « Je vous souhaite de réussir à relever ces défis car le climat a besoin de toute l'aide possible ! ».
Décalage entre les ambitions climatiques et les hausses de CO2
En 2018, malgré la croissance des énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire, les émissions du secteur énergétique ont encore augmenté pour atteindre un nouveau record, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) de l’OCDE. Comme le souligne son directeur général Fatih Birol, « nous avons une déconnexion entre les ambitions climatiques et ce qui se passe en réalité ».
Et d’enfoncer le clou : « nous devons regarder toutes les technologies propres. Le solaire et l’éolien sont importants. Mais nous pensons que le nucléaire et le captage-stockage de CO2 (CCS) sont aussi importants. Nous ne pouvons avoir le luxe de choisir notre technologie préférée ».
Premier défi à relever, le coût du nucléaire
S’agissant des coûts, Zhenmin Liu, Secrétaire général adjoint du département des affaires économiques et sociales de l’ONU, a insisté sur la prise en charge des coûts liés à l’investissement pour la construction de centrales nucléaires qui « nécessitera l’engagement des gouvernements et l’acceptation du public ». Poursuivant sur cette ligne, Cédric Lewandowski, vice-président exécutif en charge du parc nucléaire du groupe EDF a rappelé que « les politiques publiques doivent rapidement offrir la visibilité nécessaire à l'énergie nucléaire pour jouer son rôle dans la protection du climat et la promotion de la croissance économique et industrielle. […]. Les coûts dans le nucléaire diminuent lorsqu'il existe une continuité de politique industrielle, lorsque l'expertise de premier ordre est maintenue au sein de l'écosystème industriel, et lorsque les effets en série et la normalisation entraînent une réduction des coûts. Ceci est crucial pour le nucléaire. C’est en fait crucial pour toutes les technologies dont nous aurons besoin pour la transition énergétique ».
En effet, le retour d’expérience sur les 58 réacteurs REP français construits dans les années 1980-1990-2000, à un rythme régulier et constant, montrent une réduction de 15 % du coût total de construction quand ces réacteurs sont a minima construits par paire, de 30 % par lots de trois paires.
Second défi, le passage à grande échelle
Concernant la capacité de l’énergie nucléaire à se développer à grande échelle, un pays le met d’ores et déjà en œuvre : la Chine. Jun Gu, président de China National Nuclear Corporation (CNNC) note que « le monde est entré dans l’âge des énergies propres avec une faible dépendance aux énergies fossiles ».